Le Devoir

Le Québec croit-il vraiment à la réconcilia­tion ?

- GHISLAIN PICARD Chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL)

Il est impossible de ne pas réagir aux commentair­es du ministre provincial aux Affaires autochtone­s, Geoffrey Kelley, contenus dans un article signé Marie- Michèle Sioui,

sous le titre « Le ministre Geoffrey Kelley veut un ministère

des Affaires autochtone­s » , dans Le Devoir du 2 mars 2018. À quelques mois d’une élection provincial­e, on constate que le présent gouverneme­nt entend poursuivre dans sa logique de négation en réponse aux nombreuses tentatives infructueu­ses de notre part de l’engager sur une voie plus respectueu­se de nos droits et titres. Il faudra qu’un jour, le Québec se prononce sur une réalité qu’il contourne systématiq­uement. Ici comme ailleurs, les Premières Nations fondent leur statut sur leur titre et leurs traités historique­s et modernes. La Constituti­on canadienne le confirme, de même que plusieurs arrêts du plus haut tribunal au pays.

D’abord, il est important de défaire un mythe voulant que le Québec fasse figure de bon gouverneme­nt lorsqu’il s’agit de traiter avec les Premières Nations et les Inuits. Ce gouverneme­nt justifie sa volonté politique aux convention­s de la Baie- James et du Nord- Est québécois, signées dans la deuxième moitié des années 1970 avec les nations cries, naskapies et inuites.

Ces traités modernes ne sont aucunement le résultat des élans de générosité du gouverneme­nt libéral de l’époque, qui avait agi unilatéral­ement avec son projet du siècle, sans aucune considérat­ion du titre autochtone sur le territoire. N’eût été un rappel à l’ordre par les tribunaux, il n’y aurait pas aujourd’hui trois traités assor tis d’une multitude d’obligation­s pour les gouverneme­nts fédéral et provincial, que ces derniers ont par ailleurs presque toujours tenté de contourner.

Le territoire et ses ressources seront toujours le nerf de la guerre. Les Premières Nations ont investi des sommes considérab­les et continuent de le faire, non par choix, mais plutôt par obligation, afin de se défendre contre les politiques par tisanes et oppor tunistes des gouverneme­nts qui se succèdent et qui disent avoir à coeur les intérêts des peuples au-

Il est important de défaire un mythe voulant que le Québec fasse figure de bon gouverneme­nt lorsqu’il s’agit de traiter avec les Premières Nations et les Inuits

tochtones. Les Premières Nations n’auront pas consacré leur vie à se battre devant les tribunaux et voir reconnu le titre sur le territoire pour se limiter à parler uniquement de redevances. Ces dernières sont déjà un acquis devant les violations passées et présentes sur nos territoire­s.

Alors, quelle idée le ministre Kelley a- t- il vraiment derrière la tête pour parler de créer un « ministère des Affaires autochtone­s » alors que le contexte politique sur le plan national et internatio­nal tend à légitimer et à relever le statut de nos propres gouverneme­nts ? De plus en plus, ceux- ci, grâce à leurs capacités, exercent des pouvoirs comparable­s à ceux de toute autre juridictio­n. Si le gouverneme­nt provincial est sincère dans sa volonté d’être à la hauteur de cette tendance et d’harmoniser sa démarche avec les principes de la Déclaratio­n de l’ONU sur les droits des peuples autochtone­s, il devrait plutôt créer un ministère chargé des relations avec les peuples autochtone­s. Pourquoi perpétuer une vision pater naliste qui nous a trop longtemps fait défaut ? Poser la question, c’est y répondre.

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