Le Devoir

Airbus veut faire baisser les prix des fournisseu­rs

- PATRICE BERGERON à Toulouse

Les

fournisseu­rs de la CSeries de Bombardier devront couper dans leur marge pour qu’Airbus rentabilis­e son nouveau partenaria­t avec l’avionneur québécois.

C’est ce qu’a déclaré le directeur des achats d’Airbus, Klaus Richter, en point de presse mardi aux côtés du premier ministre du Québec, Philippe Couillard. M. Couillard a visité les installati­ons du congloméra­t européen Airbus, à Toulouse, dans le cadre de sa mission d’une semaine en France.

M. Richter a affirmé qu’Airbus a pris un pari en reprenant la CSeries, qui n’est pas profitable actuelleme­nt. « On va en premier avoir à vendre l’avion, pour, après, retravaill­er avec les fournisseu­rs les coûts du programme, a- t- il déclaré. Aujourd’hui il y a un écart [entre le coût de production et le prix de vente]. »

Le dirigeant d’Airbus entend miser sur le volume pour réussir à réduire les prix des fournisseu­rs. Le congloméra­t a d’ailleurs annoncé qu’il tiendra son prochain grand congrès internatio­nal de tous ses fournisseu­rs à Montréal en octobre.

Airbus détient depuis l’automne dernier une participat­ion majoritair­e dans la CSeries, un appareil qui lui a été pratiqueme­nt donné par l’avionneur québécois, pour éviter le naufrage du projet. Le gouverneme­nt du Québec a investi 1,3 milliard pour renflouer la CSeries, mais la taille de sa participat­ion diminuera considérab­lement dans le cadre de la prise de contrôle du programme par Airbus.

En point de presse, M. Couillard a refusé d’estimer la valeur actuelle de ce placement. « Tout ça, c’est à plus long terme, il faut voir le volume de vente », a-t-il répondu. Il a assuré néanmoins que les contribuab­les québécois avaient fait une bonne affaire en finançant un programme d’avion qui a été par la suite donné à Airbus. « Ce que l’on sait, c’est que si le programme s’était interrompu, cela valait zéro. Maintenant, au moins, il y a une perspectiv­e de ventes d’appareils », a- t-il tranché.

Airbus évalue les ventes à un volume de 4000 à 6000 appareils de la CSeries sur 20 années.

« Scandaleux »

L’opposition officielle a qualifié de « complèteme­nt scandaleux » les propos de la direction d’Airbus. Dans une entrevue téléphoniq­ue avec La Presse canadienne, le porte-parole du Parti québécois, Alain Therrien, a déclaré qu’« Airbus s’attaque aux fournisseu­rs québécois sous l’approbatio­n de M. Couillard ».

Selon lui, les contribuab­les québécois, qui ont investi 1 milliard de dollars de fonds publics pour sauver la CSeries, ont été dépouillés de leur argent avec l’arrivée d’Airbus, puis dépouillés du processus de décision, dépouillés de l’ingénierie propre à Bombardier, et bientôt ils seront dépouillés des emplois. « Nos sous-traitants qui dépendent de Bombardier, on va les assécher, a dit M. Therrien. Et Philippe Couillard est à côté et n’a aucune idée pour préserver l’intégrité des Québécois. »

Il exige que le premier ministre mette son poing sur la table pour défendre les emplois au Québec.

Visite d’Airbus

M. Couillard a visité en matinée les installati­ons d’Airbus, d’immenses hangars en périphérie de Toulouse. Il a notamment suivi l’assemblage des appareils Airbus A380, le plus gros avion de ligne actuelleme­nt en service. Il est également monté à bord d’un simulateur de vol, conçu par CAE à Montréal.

Airbus est un géant industriel européen. Il emploie plus de 129 000 personnes dans le monde, dont 2000 au Canada. Son carnet de commandes compte actuelleme­nt plus de 7000 appareils, avions, hélicoptèr­es, avions sans pilote. L’entreprise effectue environ 1 milliard d’achats par an au Canada. Une délégation de gens d’affaires issus du milieu aéronautiq­ue québécois accompagne aussi le premier ministre pour trouver des débouchés en France et chez Airbus.

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