Le rayon de soleil
L ’effort de «diplomatie sportive» induit par les Jeux olympiques de Pyeongchang porte ses fruits, ce dont on ne peut que se réjouir, même si ces fruits sont encore très verts. À des mois d’escalade belliqueuse entre Pyongyang et Washington succède une réactivation bienvenue de l’approche sud-coréenne du «rayon de soleil » qui fut appliquée dans les années 2000 avant d’être enterrée, avec le retour de la droite au pouvoir à Séoul, en 2008. Que cette politique de la main tendue envers la Corée du Nord soit ressuscitée par le nouveau président sud-coréen, Moon Jaein, présente une lueur d’apaisement, indubitable en même temps que fragile.
Il y a forcément lieu de penser qu’il s’agit moins pour la Corée du Nord de se dénucléariser que de calmer le jeu et d’obtenir à terme un allégement des sanctions américaines et internationales. Le durcissement de ces sanctions a certainement eu un impact sur la résilience de Pyongyang, comme la Chine s’est montrée mieux disposée à les mettre en application. La porte ouverte par Kim Jong-un à des discussions avec Washington sur la dénucléarisation de la Corée du Nord semble d’autant plus relever d’une stratégie qui consiste à gagner du temps que le dictateur a toujours présenté son arsenal nucléaire comme non négociable. Sans compter, d’un autre côté, qu’il est bien difficile d’imaginer que les garanties qu’il réclamerait apparemment en échange de son renoncement — retrait des forces américaines de la péninsule? Abrogation de l’alliance de sécurité entre les États-Unis et la Corée du Sud ? — puissent être jugées acceptables aux yeux de Washington.
De ce point de vue, le rétablissement du dialogue avec Séoul constitue donc pour lui une issue de secours. Après tout, la politique du rayon de soleil n’avait pas retenu son père de procéder en 2006 au premier essai nucléaire nord-coréen. Avant cela, le président Bill Clinton avait donné des «garanties de sécurité» à Pyongyang en 1994 dans le cadre d’une entente en vertu de laquelle la Corée du Nord acceptait de geler son programme d’enrichissement du plutonium contre de l’aide, notamment alimentaire. En catimini, Pyongyang avait lancé un programme d’enrichissement parallèle.
Le président Trump a juré jusqu’à maintenant qu’il ne pouvait y avoir de négociation avec Pyongyang sans reddition nucléaire préalable. Habile, Kim Jong-un se trouve à le mettre devant des choix. On peut présumer que, dans son affrontement avec Pyongyang, M. Trump continuera de souffler le froid à profusion. Mais on nous souhaite qu’il ait malgré tout la jugeote de laisser les fruits de la diplomatie sportive continuer à mûrir.