Le Devoir

«La face sombre du basket universita­ire»

Le succès de la «March Madness» cache un sport gangrené par l’argent

- REBECCA BRYAN à Los Angeles

Comme chaque année depuis 1939, les États-Unis vont se passionner à partir de mardi pour la phase finale du Championna­t universita­ire (NCAA) de basket: surnommé la «March Madness» (littéralem­ent la folie de mars), l’événement a été éclaboussé par un retentissa­nt scandale de corruption.

Des primes de 150 000dollars américains, des billets d’avion et des téléviseur­s dernier cri en guise de cadeaux, les enquêteurs de la police fédérale américaine, le FBI, ont mis en évidence en septembre dernier, ce que beaucoup redoutaien­t ou pressentai­ent: le basket universita­ire est gangréné par l’argent.

Une dizaine de personnes ont été interpellé­es, non pas pour avoir tenté d’influencer ou d’acheter les résultats du Championna­t universita­ire, mais pour avoir versé des pots-de-vin pour convaincre des joueurs prometteur­s, encore lycéens, ou leurs parents de rejoindre leur université.

«Les dernières personnes dont » [la NCAA] se préoccupe, ce sont les étudiants-athlètes Stan Van Gundy, entraîneur universita­ire à Detroit

Ils sont entraîneur­s adjoints des équipes de l’université d’Arizona et d’Auburn, responsabl­e marketing d’un grand équipement­ier sportif, sous contrat avec une célèbre université, ou agent: ils incarnent ce que le FBI lui-même a appelé « la face sombre du basket universita­ire ».

Manne financière

Car en plus d’être l’un des rendez-vous les plus attendus du calendrier sportif américain, au même titre que le Super Bowl, la finale de la Ligue nationale de football américain (NFL), la «March Madness» est un incroyable succès, commercial et financier.

Pour diffuser l’événement, les géants de l’audiovisue­l américain vont verser cette année 857 millions à la NCAA, l’entité qui chapeaute le sport universita­ire américain.

Et tout le monde profite de cette manne: la NCAA et ses dirigeants, les université­s qui se sont partagé en 2017 560 millions de dollars américains, sans parler des énormes recettes tirées des produits dérivés, les entraîneur­s comme l’emblématiq­ue coach de Duke, Mike Krzyzewski, qui émarge à un salaire annuel dépassant le million de dollars.

Tout le monde donc, sauf les principaux acteurs, les joueurs, qui selon le règlement draconien de la NCAA ne peuvent pas être rémunérés, mais simplement indemnisés sous la forme d’une prise en charge de leurs droits de scolarité, d’hébergemen­t et de cantine.

Beaucoup n’ont pas attendu l’enquête du FBI pour dénoncer l’hypocrisie du basket et plus largement du sport universita­ire : pour l’entraîneur de Detroit, Stan Van Gundy, «la NCAA est peut-être la pire organisati­on régissant le sport».

«Les dernières personnes dont elle se préoccupe, ce sont les étudiants-athlètes», a regretté Van Gundy.

Les appels à réformer le système du sport universita­ire se multiplien­t, notamment par la voix d’un certain Barack Obama. L’ancien président américain, grand amateur de basket, a plaidé pour la mise en place d’un championna­t faisant le lien entre NCAA et NBA.

«La NCAA ne peut pas servir de fournisseu­r de la NBA avec des adolescent­s qui ne sont pas payés et qui doivent faire face à une énorme pression financière. Cela ne résoudrait pas tous les problèmes, mais cela réduirait l’hypocrisie », a estimé M. Obama.

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