La cour invalide un règlement sur l’eau potable
Le juge critique le manque de rigueur scientifique des élus
En plus d’invalider le règlement poussé par Régis Labeaume pour protéger le lac Saint-Charles, le jugement rendu lundi en faveur de Stoneham et Lac-Beauport reproche à la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) son manque de rigueur scientifique dans ce dossier.
Le vocabulaire du juge est sans équivoque: le règlement imposé dans ce dossier par la CMQ n’est pas fondé « sur des principes scientifiques ou techniques valables ».
Rappelons qu’en mars 2016, la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ), présidée par Régis Labeaume, a fait adopter une réglementation sévère dans les MRC au nord de Québec afin de protéger le lac Saint-Charles, principale source d’eau potable de la ville.
On faisait alors valoir que l’étalement urbain et l’ajout de fosses septiques entraînait la dégradation accélérée de l’état de santé du lac et qu’un nouveau règlement de contrôle intérimaire (RCI) s’imposait pour limiter les nouveaux ensembles résidentiels.
Le RCI limitait les constructions en tenant compte du pourcentage de couvert végétal sur les terrains, des pentes et des fosses septiques. À LacBeauport, il empêchait la construction de 107 des 264 terrains au potentiel de développement; à Stoneham, de 466 sur 514.
Quelques mois plus tard, les villes de Stoneham et de LacBeauport contestaient le RCI en Cour supérieure.
«Un train à grande vitesse»
Dans la décision rendue en leur faveur, le juge Michel Beaupré déplore que la CMQ soit allée de l’avant avec le RCI alors que la principale étude sur laquelle elle se basait — la « Diagnose du lac Saint-Charles 2012 » — a été critiquée sur le plan méthodologique.
La diagnose avait été produite par l’Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des Marais du Nord (APEL). Dans un rapport commandé par la CMQ, l’immunologue Richard Carignan avance que les méthodes analytiques au chapitre 3 du rapport de l’APEL concernant la qualité de l’eau des affluents du lac Saint-Charles « sont clairement inadéquates ».
Le juge est en outre particulièrement cinglant à l’endroit de François Morneau, qui coordonne le dossier pour la ville à la CMQ. «Le témoignage vacillant de Morneau concernant l’époque où il a eu connaissance du rapport Carignan, seulement au printemps 2017 comme il l’affirme en interrogatoire principal, ou “peut-être avant”, comme il l’admet en contre-interrogatoire, n’a pas contribué à sa crédibilité. »
Plus loin, il écrit que «M. Morneau a justifié son omission de considérer l’impact du rapport Carignan […] par le fait qu’étant donné la “volonté politique”, il était alors “embarqué dans un train à grande vitesse” pour produire un règlement de contrôle intérimaire très rapidement».
Le juge Beaupré fait aussi allusion au rôle du maire de Québec, Régis Labeaume, de procéder vite dans ce dossier à la fin de 2015.
Enfin, le juge se range à l’avis de l’expert des plaignants voulant que les interdictions de construire contenues dans le RCI «ne sont pas fondées sur des principes scientifiques ou techniques valables ».
Finalement, le juge fait valoir que le RCI est inopérant parce qu’il vise le même objet que la réglementation du gouvernement du Québec en matière de protection des eaux et de traitement des eaux usées.
Silence à la Ville et à la CMQ
Mardi, le cabinet du maire de Québec, Régis Labeaume, s’est refusé à tout commentaire sur le sujet. Joint à la CMQ, M. Morneau n’a pas voulu non plus en parler. Du côté de l’APEL qui a signé la « Diagnose » de 2012, personne n’était habilité à réagir, la directrice, Mélanie Deslongchamps, étant en vacances pour plusieurs semaines. La Ville de Stoneham a quant à elle convoqué les médias à une conférence de presse à ce sujet ce mercredi.