Le Devoir

La cour invalide un règlement sur l’eau potable

Le juge critique le manque de rigueur scientifiq­ue des élus

- ISABELLE PORTER à Québec

En plus d’invalider le règlement poussé par Régis Labeaume pour protéger le lac Saint-Charles, le jugement rendu lundi en faveur de Stoneham et Lac-Beauport reproche à la Communauté métropolit­aine de Québec (CMQ) son manque de rigueur scientifiq­ue dans ce dossier.

Le vocabulair­e du juge est sans équivoque: le règlement imposé dans ce dossier par la CMQ n’est pas fondé « sur des principes scientifiq­ues ou techniques valables ».

Rappelons qu’en mars 2016, la Communauté métropolit­aine de Québec (CMQ), présidée par Régis Labeaume, a fait adopter une réglementa­tion sévère dans les MRC au nord de Québec afin de protéger le lac Saint-Charles, principale source d’eau potable de la ville.

On faisait alors valoir que l’étalement urbain et l’ajout de fosses septiques entraînait la dégradatio­n accélérée de l’état de santé du lac et qu’un nouveau règlement de contrôle intérimair­e (RCI) s’imposait pour limiter les nouveaux ensembles résidentie­ls.

Le RCI limitait les constructi­ons en tenant compte du pourcentag­e de couvert végétal sur les terrains, des pentes et des fosses septiques. À LacBeaupor­t, il empêchait la constructi­on de 107 des 264 terrains au potentiel de développem­ent; à Stoneham, de 466 sur 514.

Quelques mois plus tard, les villes de Stoneham et de LacBeaupor­t contestaie­nt le RCI en Cour supérieure.

«Un train à grande vitesse»

Dans la décision rendue en leur faveur, le juge Michel Beaupré déplore que la CMQ soit allée de l’avant avec le RCI alors que la principale étude sur laquelle elle se basait — la « Diagnose du lac Saint-Charles 2012 » — a été critiquée sur le plan méthodolog­ique.

La diagnose avait été produite par l’Associatio­n pour la protection de l’environnem­ent du lac Saint-Charles et des Marais du Nord (APEL). Dans un rapport commandé par la CMQ, l’immunologu­e Richard Carignan avance que les méthodes analytique­s au chapitre 3 du rapport de l’APEL concernant la qualité de l’eau des affluents du lac Saint-Charles « sont clairement inadéquate­s ».

Le juge est en outre particuliè­rement cinglant à l’endroit de François Morneau, qui coordonne le dossier pour la ville à la CMQ. «Le témoignage vacillant de Morneau concernant l’époque où il a eu connaissan­ce du rapport Carignan, seulement au printemps 2017 comme il l’affirme en interrogat­oire principal, ou “peut-être avant”, comme il l’admet en contre-interrogat­oire, n’a pas contribué à sa crédibilit­é. »

Plus loin, il écrit que «M. Morneau a justifié son omission de considérer l’impact du rapport Carignan […] par le fait qu’étant donné la “volonté politique”, il était alors “embarqué dans un train à grande vitesse” pour produire un règlement de contrôle intérimair­e très rapidement».

Le juge Beaupré fait aussi allusion au rôle du maire de Québec, Régis Labeaume, de procéder vite dans ce dossier à la fin de 2015.

Enfin, le juge se range à l’avis de l’expert des plaignants voulant que les interdicti­ons de construire contenues dans le RCI «ne sont pas fondées sur des principes scientifiq­ues ou techniques valables ».

Finalement, le juge fait valoir que le RCI est inopérant parce qu’il vise le même objet que la réglementa­tion du gouverneme­nt du Québec en matière de protection des eaux et de traitement des eaux usées.

Silence à la Ville et à la CMQ

Mardi, le cabinet du maire de Québec, Régis Labeaume, s’est refusé à tout commentair­e sur le sujet. Joint à la CMQ, M. Morneau n’a pas voulu non plus en parler. Du côté de l’APEL qui a signé la « Diagnose » de 2012, personne n’était habilité à réagir, la directrice, Mélanie Deslongcha­mps, étant en vacances pour plusieurs semaines. La Ville de Stoneham a quant à elle convoqué les médias à une conférence de presse à ce sujet ce mercredi.

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FRANCIS VACHON LE DEVOIR Le secteur des Trois Petits Lacs à Stoneham

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