Trump aide l’économie mondiale, mais menace de tout gâcher
L’OCDE a légèrement révisé à la hausse ses prévisions économiques
La croissance économique mondiale sera plus forte à court terme que ce qui était prévu grâce aux politiques fiscales de Donald Trump, estime l’OCDE, mais la situation pourrait aussi complètement se renverser si son protectionnisme mène à une guerre commerciale.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a légèrement révisé à la hausse ses prévisions économiques du mois de novembre, mardi, en raison notamment des «nouvelles réductions d’impôt et des hausses de dépenses prévues aux États-Unis», mais aussi des politiques de relance budgétaires attendues de la coalition gouvernementale récemment formée à la tête de l’Allemagne. De 3,7% l’an dernier, la croissance de l’économie mondiale devrait ainsi passer à presque 4% (3,9%) cette année et l’année prochaine, alors que l’on attendait encore en novembre des taux de 3,7% en 2018 et de 3,6% en 2019.
L’augmentation du plafond des dépenses par le Congrès américain, mais surtout son importante baisse permanente de l’impôt des entreprises et ses baisses temporaires de l’impôt des particuliers, surtout des plus riches, contribueront à cette accélération de l’économie, estime l’OCDE. Aux États-Unis, ces politiques devraient ajouter un peu moins de 0,7 point de pourcentage à la croissance cette année et l’année prochaine, pour la porter respectivement à
2,9% et à 2,8%. Leur impact sera presque nul dans la zone euro (0,05 point de pourcentage par année), mais plus sensible dans les pays qui ont le plus d’échanges commerciaux avec les États-Unis, particulièrement chez ses voisins mexicain et canadien.
Le cadeau de Trump au Canada
Au Canada, les politiques fiscales du gouvernement Trump devraient ainsi ajouter un peu moins de 0,1 point de pourcentage à la croissance cette année et presque le double l’année prochaine.
Cela n’empêchera pas, toutefois, l’expansion économique canadienne de ralentir un peu, prévient l’OCDE, passant de 3% l’an dernier à 2,2% cette année, et à 2% l’an prochain. «Les politiques macroéconomiques deviennent graduellement moins accommodantes, a-t-elle observé mardi, dans la mise à jour de ses prévisions économiques. Mais la consommation privée reste solide, la forte croissance de l’emploi commence à se refléter dans les salaires et l’affermissement du prix des matières premières devrait stimuler l’investissement des entreprises.»
Au début de l’année, la Banque du Canada avait essentiellement attribué un impact économique négatif aux baisses d’impôt du gouvernement Trump, prévoyant que l’attrait qu’elles exerceront sur les entreprises réduira leurs investissements au Canada de 0,5 point de pourcentage d’ici la fin de 2019. La banque centrale canadienne s’était toutefois surtout montrée inquiète devant l’incertitude soulevée par la renégociation de l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALENA) et qui déprimera, selon elle, quatre fois plus le niveau d’investissement des entreprises.
La menace protectionniste
L’OCDE ne s’est pas arrêtée au cas de la renégociation de l’ALENA mardi. Il n’a pas manqué cependant de s’alarmer de la montée du protectionnisme, notamment dans la foulée de la récente annonce par la Maison-Blanche de l’imposition de tarifs douaniers sur les importations d’acier et d’aluminium et des menaces de représailles commerciales qui fusent, depuis, de toutes parts.
Après des années d’une lente et difficile reprise
entreprise au lendemain de la Grande Récession, le monde est enfin entré en période d’expansion économique, a souligné le chef économiste de l’OCDE, Alvaro Pereira. Plutôt que de continuer de dépendre principalement de politiques monétaires ultra-accommodantes, cette expansion repose désormais sur deux facteurs plus fondamentaux: l’investissement privé et le commerce, a-t-il expliqué.
«Dans ce contexte, une escalade des tensions commerciales serait dommageable pour la croissance et l’emploi.» S’ils ont des problèmes à régler, par exemple dans l’acier, «les pays devraient se reposer sur les solutions collectives, comme le Forum mondial sur les surcapacités sidérurgiques» de l’OCDE, plutôt que d’essayer de se faire justice eux-mêmes, a fait valoir l’économiste. «Il est indispensable de préserver le système commercial fondé sur les règles de droit. »
Une croissance durable pour tous
Le protectionnisme n’est pas la seule menace qui pèse sur l’économie mondiale, prévient l’OCDE. L’accélération de la croissance ramènera l’inflation et forcera une remontée des taux d’intérêt qui, bien que modeste et graduelle, risque de mettre en difficulté les ménages, les entreprises et les gouvernements les plus endettés.
Le retour de la prospérité tarde également à profiter à de larges tranches de la population, particulièrement les plus modestes. En fait, dans les pays développés, le revenu réel disponible des 10% des plus pauvres n’est toujours pas revenu à ce qu’il était avant que n’éclate la crise financière, en 2008, alors que les familles au revenu médian n’ont que récemment passé ce cap et que les 10 % des plus riches l’ont fait il y a quelques années déjà.
Sauf exception, les gouvernements se montrent aussi de plus en plus négligents face à leur devoir de mener les réformes structurelles susceptibles de leur assurer une croissance économique plus équitable et durable, déplore l’OCDE. S’ils font un petit peu mieux en matière d’amélioration des infrastructures et de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, ils se traînent lamentablement les pieds en matière d’éducation et d’amélioration de l’efficacité de leurs régimes fiscaux. «Aujourd’hui, c’est le bon moment pour réformer», a lancé Alvaro Pereira en conférence de presse.