Le REER de tous les risques
Une des pierres angulaires du système canadien de la retraite, le régime enregistré d’épargne-retraite (REER), n’est pas sans effets pernicieux. Essentiellement, les limites viennent de l’individualisation des risques et de la faiblesse potentielle du rendement.
On peut mieux comprendre et mettre en contexte la décision, annoncée en novembre par Québec, de se rallier aux autres provinces. De bonifier le Régime des rentes du Québec (RRQ) et de l’harmoniser avec l’équivalent canadien ( RPC). Dans la dernière édition du Bulletin de la retraite, une initiative de l’Institut de recherche en économie contemporaine, l’auteur aborde les contraintes du REER, un véhicule conçu pour constituer le troisième pilier du système canadien de retraite, partageant son rôle avec les régimes complémentaires.
Il y a des limites à vouloir privilégier l’individualisation des risques financiers associés à la retraite. Ces limites produisent d’autant leurs effets négatifs que dans le segment des régimes complémentaires, ceux à prestations déterminées cèdent leur place aux régimes à cotisations déterminées à vitesse grand V.
Rendement
Le plus connu des risques énumérés par l’auteur Riel Michaud-Beaudry est celui lié au rendement, exacerbé dans la conjoncture de faibles taux d’intérêt. À la recherche d’un rendement digne de ce nom, les REER ont délaissé massivement les titres à revenu fixe ou les dépôts à capital protégé pour exposer ce capital aux aléas des marchés. Ou pour le protéger en contrepartie d’un frais élevé venant amputer le rendement.
Longévité
L’autre risque connu est celui dit de longévité. L’option rente est généralement retenue lors du décaissement du REER à la retraite. Le titulaire aura alors à choisir essentiellement entre une rente certaine (ou déterminée) et via- gère, modulant ainsi le montant des prestations qu’il recevra. Ces prestations seront également influencées par le niveau des taux d’intérêt et la durée des versements.
L’auteur ajoute un élément moins connu, lié au calcul de la rente en fonction de la charge d’enfants. Il donne l’exemple du RRQ, qui soustraie du calcul de la rente le nombre de mois à faible revenu si les cotisants, majoritairement des femmes, sont admissibles à des prestations familiales pour un enfant de moins de 7 ans. « Pendant ces périodes de faibles revenus dus aux responsabilités familiales, une personne dépendante des REER pour sa retraite cotisera moins et recevra donc des rentes plus faibles à la retraite. »
Gestion du capital
La troisième limite est liée à la gestion du capital retraite en phase d’accumulation. Selon les règles de base en planification financière ou les principes de conformité, le cotisant retiendra une répartition d’actif plus conservatrice plus il approchera l’âge de la retraite, troquant le rendement pour une protection du capital accrue. Lorsque les risques sont mutualisés, comme c’est le cas pour le RRQ, les politiques d’investissement ne varient pas selon l’âge et visent davantage la croissance. Riel Michaud- Beaudr y donne l’exemple du rendement annuel sur cinq ans de 10,2%, net des frais, affiché par la Caisse de dépôt et placement du Québec en 2017. « En guise de comparaison, l’Institut québécois de planification financière a pour hypothèse un taux de rendement réel net de frais de gestion de 2,75% pour un portefeuille dynamique pour l’année 2017-2018, ce qui place les rendements issus de portefeuilles individuels nettement en dessous de ceux gérés par la Caisse. »
Quant aux fameux frais de gestion… Si le détenteur d’un REER s’en remet généralement aux fonds d’investissement, et à moins qu’il privilégie les Fonds négociés en Bourse, il est soumis à des frais de gestion variant entre 0,5 et 2,5%. À la Caisse de dépôt, ces frais sont de 0,22%. Pour leur part, les régimes complémentaires de retraite ont des frais d’administration de 0,3 à 0,45% pour les régimes du secteur privé, de 0,25 à 0,35% pour ceux du secteur public.
« Selon l’OCDE, des frais de 2 % par année grugent 37 % de l’accumulation de l’épargne, ce qui ne laisse que 63 % à l’épargnant », souligne l’auteur.
Des frais de 2% ne laissent que 63% à l’épargnant