Le Devoir

Les jeunes sont fidèles au poste, quoi que moins nombreux

Plusieurs entreprise­s créent des marques parallèles pour rejoindre les jeunes génération­s

- PHILIPPE PAPINEAU

Les jeunes s’éloignent peut-être de la télévision traditionn­elle, mais ils sont encore loin d’y être marginaux, racontait mercredi le directeur des sciences du marketing à l’agence Touché!, JeanFranço­is Bourdeau, lors d’une conférence organisée à Montréal par Infopresse. Reste que pour rejoindre les nouvelles génération­s, les médias peaufinent leurs méthodes, créent des marques et testent les différente­s plateforme­s disponible­s.

Les chiffres de Numeris présentés par M. Bourdeau montrent qu’au Québec francophon­e, le nombre d’heures hebdomadai­res passées devant la télévision a décliné de 22% chez les 18-34 ans entre 2007 et 2017. Et il semble y avoir un certain décrochage dans les derniers mois, car cette baisse est de 13% entre 2016 et 2017. Concrèteme­nt, les jeunes ont écouté en moyenne 16,7 heures de télé par semaine l’année dernière.

«Mais ils la regardent autrement, ils enregistre­nt les émissions pour les écouter au moment qui leur convient», insiste Jean-François Bourdeau, citant les statistiqu­es de Numeris pour l’automne dernier, révélant que 16% de l’écoute moyenne des 18-34 ans se fait en différé.

Sans nier le phénomène du cord-cutting, soit le désengagem­ent de la télé câblée, M. Bourdeau souligne que «2 à 3 heures d’écoute par jour, ça constitue toujours un média de masse. […] Quelle autre plateforme peut se vanter de retenir des jeunes aussi longtemps»?

Autre surprise révélée dans les statistiqu­es, 70% des 20 émissions les plus écoutées par les 1834 ans se retrouvent dans le palmarès des 35 ans et plus. «Les jeunes sont des vieux qui s’ignorent», s’est amusé Jean-François Bourdeau, qui a dit se méfier de ceux qui annoncent la mort de la

télévision. «D’ailleurs, les câblos sont assis sur une mine d’or d’informatio­ns, ils savent exactement quels contenus Web et télé on regarde, minute par minute. Le jour où ils vont décider d’utiliser ces données-là, ils vont pouvoir faire de l’argent avec ça.»

Marque, hameçon et plateforme­s

Reste que plusieurs médias traditionn­els font des pieds et des mains pour que les plus jeunes génération­s ne se désintéres­sent pas d’eux, tentant par exemple de créer des marques qui leur sont destinées. La conférence Infopresse rassemblai­t d’ailleurs sur la même scène Johanne Lapierre de Rad, le laboratoir­e de journalism­e de Radio-Canada, Raphaëlle Huysmans d’Urbania et Marc-André Laporte de Québecor.

La vaste entreprise médiatique a d’ailleurs lancé en novembre Tabloïd pour «créer du contenu qui manque chez Québecor, du contenu qui ne fitte pas dans Le Journal de Montréal ou le Sac de chips, dans le but d’aller rejoindre les jeunes», a expliqué Laporte. Et cette branche s’est créé sa propre marque en noir et blanc, et s’est même installée sur la plateforme Medium.com, «en satellite» de «l’univers de Québecor». Parce que la marque maison aurait été un frein? «Complèteme­nt.»

Urbania aussi s’est « un peu laissé prendre au jeu », a expliqué Raphaëlle Huysmans. « Quand la notion de millenial est apparue, on s’est rendu compte que depuis toutes ces années, on cultivait une audience ultra-prisée de jeunes adultes. Et on s’est concentré pour former une marque média pour eux.»

S’ils prônent une flexibilit­é dans les longueurs en fonction de chaque sujet, les invités s’entendaien­t aussi pour dire qu’il faut capter l’attention des jeunes publics dans les premières secondes ou les premières lignes des contenus proposés. «Les jeunes délaissent de plus en plus Facebook pour Instagram ou Snapchat parce que c’est rapide, souligne Marc-André Laporte. Mais c’est un défi en tant que créateur de raconter une histoire en trois clins d’oeil.»

Facebook, justement, a permis à Rad de se créer une communauté de gens intéressés à ses contenus, mais l’équipe a vu dans les derniers mois l’impact sévère des changement­s d’algorithme­s : le nombre de visionneme­nts baisse. «On essaie de penser à des moyens de rediriger les gens vers nos plateforme­s à nous, mais on ne sait pas comment tout ça va évoluer», explique Johanne Lapierre.

La plateforme Facebook permet tout de même de recueillir des données sur les gens qui visitent les pages des différents médias, note Marc-André Laporte, sauf qu’il serait temps selon lui de reprendre le contrôle sur le canal de communicat­ion. Ou du moins de les varier, ajoute-t-il. «Avec [la section du Sac de chips] Pèse sur Start, qui aborde le jeu vidéo, on est allé sur Twitch, c’est là que ça se passe.»

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