Le Devoir

Qui dit vrai ?

Le « testament » de Jacques Daoust contredit la version de Philippe Couillard

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Québec — Un document rédigé par l’ex-ministre de l’Économie Jacques Daoust, décédé en 2017, indique qu’il n’avait jamais approuvé la vente de RONA et s’était toujours refusé à mentir dans ce dossier, malgré les pressions politiques.

Le document obtenu par des médias de Québecor indique que M. Daoust était furieux parce qu’on lui avait demandé en haut lieu de dire publiqueme­nt qu’il était d’accord avec cette vente d’actions à des intérêts américains par Investisse­ment Québec, alors qu’il ne l’était pas.

Il a écrit s’être senti sous forte pression, par la suite, pour qu’il assume cette mauvaise décision, selon ses dires, une décision prise dans son dos.

Jacques Daoust a écrit s’être fait piéger par un jeu de coulisses entre son directeur de cabinet, Pierre Ouellet, et l’ancien directeur de cabinet du premier ministre Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne.

Le premier ministre a cependant nié mercredi cette version des faits.

«C’est clairement établi, parce que tout ça a été vérifié, que personne à mon cabinet, ni bien sûr moi, n’était au courant de cette transactio­n », a-t-il déclaré en Chambre, alors qu’il était pressé de questions par les chefs des partis d’opposition.

Sébastien Daoust, l’un des fils de l’ancien ministre, a confirmé mercredi à la station radiophoni­que 98,5 FM de Montréal, que certains des passages du document publié par Québecor allaient bel et bien dans le sens de ce que son père lui avait communiqué. Il a ajouté qu’il parlait de politique chaque jour avec son père, mais que l’ex-ministre n’aimait pas revenir sur le dossier de la vente de RONA.

Les partis d’opposition à l’Assemblée nationale ont réagi en disant que le premier ministre Couillard devait assumer sa part de responsabi­lités dans cette transactio­n controvers­ée.

Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, a qualifié le premier ministre « d’anti-nationalis­te économique ».

Selon lui, aux yeux de M. Couillard, «l’économie québécoise est à vendre. Et il y a moins de sièges sociaux au Québec maintenant que lorsqu’il est arrivé au pouvoir. »

M. Lisée retient de la lettre de M. Daoust que M. Couillard se «fichait» de maintenir une forme de contrôle québécois dans RONA.

«M. Daoust, lui, pensait que c’était important pour le Québec, qu’on le garde, et, au fond, le coeur de la question, c’est celui-là », selon M. Lisée.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a dit lui aussi que le premier ministre devait prendre le blâme pour la vente des actions de RONA.

«Qu’il assume! Qu’il assume!» a scandé le chef caquiste en point de presse.

Il reproche au premier ministre de nier l’implicatio­n de son cabinet dans la décision. Ce faisant, M. Couillard fait preuve de «condescend­ance », selon lui.

M. Legault avait une question à poser au premier ministre: «Qui, à son bureau, a approuvé la vente des actions de RONA ? »

Le premier ministre Couillard est resté de marbre, relançant la balle à ses adversaire­s qui «ont traîné dans la boue pendant des mois» l’ex-ministre Daoust, lors de l’annonce de cette transactio­n.

Les ministres étaient quant à eux avares de commentair­es. Le ministre Robert Poëti a reproché aux journalist­es de lui demander sa réaction face à la publicatio­n du document, faisant valoir qu’il ne commentera­it pas les propos d’une personne décédée qui a connu des difficulté­s à la fin de sa carrière politique.

En mars 2016, les actionnair­es de RONA ont approuvé, dans une large majorité, la vente du quincailli­er québécois à la chaîne américaine de rénovation Lowe’s, dans le cadre d’une transactio­n amicale de 3,2 milliards de dollars annoncée deux mois plus tôt.

La même année, la vérificatr­ice générale avait conclu que la vente des actions de RONA avait été autorisée par le gouverneme­nt. Elle précisait que les membres du conseil d’administra­tion d’Investisse­ment Québec considérai­ent ne pas avoir la latitude nécessaire pour autoriser la vente des actions de RONA sans avoir d’abord obtenu l’accord du gouverneme­nt.

Présenté comme une des vedettes économique­s de la dernière élection générale, Jacques Daoust avait été élu député de Verdun en avril 2014. Le banquier de carrière avait précédemme­nt été président et chef de la direction d’Investisse­ment Québec de 2006 à 2013.

Il est mort en août dernier à l’âge de 69 ans.

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Jacques Daoust

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