Le Devoir

Des étudiants exaspérés devant l’inaction des université­s McGill et Concordia

- LISA-MARIE GERVAIS

Des centaines d’étudiants se sont rassemblés sur le campus de l’Université McGill mercredi pour critiquer les ratés de cet établissem­ent et ceux de l’Université Concordia dans la gestion de plaintes pour violence sexuelle.

Manifestan­t haut et fort leur exaspérati­on, les étudiants ont particuliè­rement fustigé la direction de McGill, la sommant de reconnaîtr­e le problème, d’élaborer une vraie politique et de tenir une enquête indépendan­te sur les allégation­s d’agressions sexuelles visant des professeur­s de la Faculté des arts.

Dans un ultimatum, ils ont demandé aux dirigeants de l’université de s’exécuter d’ici lundi, sans quoi ils s’adresseron­t directemen­t à la ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, Hélène David.

«Si vous ne reconnaiss­ez pas d’ici lundi qu’il y a un problème avec les politiques, les procédures [de dépôt de plainte] et le climat sur le campus, et que vous ne vous engagez pas à lancer une enquête externe sur le bureau de la doyenne [de la Faculté] des arts, nous vous dénonceron­s au cabinet de la ministre David pour avoir contrevenu au projet de loi 151. Et nous [lui] demanderon­s d’intervenir!» a crié à une foule exaltée Connor Spencer, de l’Associatio­n étudiante de l’Université McGill.

Au cours de ce rassemblem­ent, plusieurs femmes issues de groupes représenta­nt les minorités visibles (noires, autochtone­s, etc.) sont venues spontanéme­nt prendre la parole pour déplorer l’attitude de certains de leurs professeur­s masculins et « blancs ».

Étudiante de 3e année en économie, Chidera a raconté son malaise face à un professeur connu de la communauté étudiante et soupçonné de harcèlemen­t sexuel.

« Son bureau a été déménagé hors du campus, ce qui est censé être techniquem­ent “OK”, a-t-elle expliqué. Sauf que j’ai dû y aller et je me suis sentie vraiment mal à l’aise quand il a fermé la porte derrière moi. Ça a affecté mes notes dans son cours.» Après l’interventi­on de la jeune femme devant la foule, quelqu’un a demandé à chacun de lever la main s’il croyait savoir de qui il s’agissait. Plus d’une centaine de mains se sont levées.

Processus de plainte

Une lettre ouverte rendue publique la semaine dernière a reçu jusqu’à ce jour l’appui de 2000 personnes et de 85 groupes étudiants. On y critique la mauvaise gestion des plaintes pour harcèlemen­t sexuel déposées à l’endroit de membres du corps professora­l de cinq départemen­ts, soit histoire, philosophi­e, science politique, psychologi­e et études islamiques.

Ces professeur­s continuent d’enseigner, a rappelé Connor Spencer. «Quand je suis entrée à McGill, en première année, on m’a donné une liste de professeur­s desquels je devais me tenir loin… pour ma sécurité. »

Selon elle, la direction de McGill sait très bien de qui il s’agit mais ne fait rien. «On nous dit qu’il n’y a pas assez de preuves pour démarrer une enquête », a dit Mme Spencer.

Réponse de l’université

Pour l’année 2016-2017, l’université a reçu quatre plaintes pour harcèlemen­t sexuel — en baisse de moitié par rapport à l’année précédente — et deux d’entre elles ont fait l’objet d’une enquête.

McGill dit qu’aucune plainte n’a été dirigée vers un professeur «dans le cadre de la politique sur le harcèlemen­t», mais il se peut que des étudiantes se soient adressées directemen­t à un doyen de faculté.

Plusieurs étudiants disent par ailleurs ne pas avoir confiance en ce processus et craignent les répercussi­ons sur leur carrière post-académique.

Dans un courriel envoyé à sa communauté, la direction de l’Université McGill a dit reconnaîtr­e qu’il peut être «extrêmemen­t difficile» de dénoncer la violence sexuelle ou de soumettre une plainte officielle.

Elle a toutefois rappelé que, dans la dernière année, elle a fait beaucoup pour «améliorer les réactions» à de telles situations sur les campus, notamment à travers son Comité de mise en oeuvre de la Politique contre la violence sexuelle et le Groupe d’étude sur la violence sexuelle sur les campus qui devront soumettre un rapport d’ici l’automne 2018.

Quant à l’Université Concordia, elle a consenti, au début du mois de janvier, à lancer une enquête à propos d’allégation­s d’inconduite­s sexuelles visant plusieurs de ses professeur­s, et un examen du climat dans tous les secteurs de l’établissem­ent.

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Quelques centaines d’étudiants ont manifesté mercredi après-midi pour fustiger la direction de McGill en la sommant de reconnaîtr­e le problème de harcèlemen­t sexuel sur le campus.

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