Le rehaussement de la formation infirmière
Depuis quelques semaines, au travers des différentes discussions sur les conditions de travail des infirmières, plusieurs ont émis une opinion en ce qui concerne l’apport des professionnels en soins infirmiers dans le système de santé québécois. Encore aujourd’hui, certains définissent la profession infirmière comme une vocation où l’unique rôle est d’exécuter les ordres du médecin. On suggère également aux étudiantes de ne pas gaspiller leur temps à l’école pour ne devenir qu’une «simple infirmière». Bien que l’on reconnaisse certaines de leurs contributions, il subsiste actuellement une culture de dévalorisation des compétences et de l’expertise infirmière au Québec. Une formation universitaire obligatoire pour l’ensemble des infirmières s’avérerait, selon moi, l’une des solutions à cette problématique.
S. J. Robert, infirmière et professeure à l’Université de Northeastern, a été la première en 1983 à mentionner que les infirmières constituaient un groupe dévalorisé dans le milieu de la santé. D’après sa théorie, cette dévalorisation serait l’une des conséquences de la domination de la profession médicale sur celle des soins infirmiers. Celle-ci se manifesterait principalement par un manque d’autonomie et de pouvoir décisionnel des infirmières.
Plus récemment, des chercheurs ont tenté de déterminer pour quelles raisons les infirmières sont toujours aussi peu valorisées. Le manque de compétences variées et approfondies serait un obstacle à l’exercice du pouvoir en milieu hospitalier. Au
Québec, les infirmières formées dans les cégeps déve- loppent peu de compétences en soins critiques, en réadaptation et en santé communautaire puisque ces sujets sont enseignés uniquement dans le cadre de la formation universitaire. Lors de leur arrivée sur le marché du travail, il est donc plus difficile pour ces jeunes infirmières issues de la formation collégiale d’être crédibles et influentes auprès des autres professionnels de la santé. Une formation universitaire obligatoire donnerait la possibilité à l’ensemble des infirmières d’amorcer leur carrière avec davantage d’habiletés et de connaissances dans différents domaines de soins.
D’après des études, les infirmières ont tendance à peu s’exprimer par rapport à leur contribution clinique et scientifique, contrairement à d’autres professionnels de la santé. Le fait de ne pas partager nos réussites est un réel obstacle à la reconnaissance de notre profession. Au dire de Mme Louise Hagan, professeure à la retraite de la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval, il est nécessaire de croire en soi et en sa propre compétence professionnelle pour être en mesure de s’affirmer pleinement. Il m’apparaît peu probable qu’une infirmière novice issue de la technique en soins infirmiers puisse démontrer un niveau de confiance similaire à celle d’un autre professionnel de la santé ayant fait des études universitaires. Un rehaussement de la formation infirmière permettrait sans aucun doute d’atténuer cette situation.
Certains affirment que le rehaussement de la formation des infirmières n’est pas une solution souhaitable en raison des coûts potentiels supplémentaires pour l’État. Selon une analyse réalisée par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec en partenariat avec le groupe CIRANO en 2013, un tel rehaussement favoriserait une maximisation de l’utilisation des ressources, une augmentation de la productivité dans le réseau de la santé et une meilleure accessibilité aux soins. L’ensemble de ces avantages amènerait des bénéfices financiers entre 1,29 à 4 milliards de dollars par année à la province du Québec. Par conséquent, l’aspect financier ne serait pas un obstacle au rehaussement de la formation chez les infirmières.
L’absence d’une formation universitaire de base favorise la culture de dévalorisation et de non-reconnaissance de l’expertise que vivent les infirmières. La solution, sans aucun doute, consisterait au remplacement du programme collégial de technique en soins infirmiers par une formation universitaire obligatoire pour la pratique de la profession d’infirmière au Québec.
L’absence d’une formation universitaire favorise la culture de dévalorisation