Bissonnette pourrait être réhabilitable, selon un expert
On ne peut exclure que, dans 25 ans, Alexandre Bissonnette aura suffisamment travaillé sur lui-même pour pouvoir être remis en liberté sans représenter un danger pour la société, a avancé lundi un expert en psychologie appelé à la barre par les avocats du meurtrier.
«Il n’est pas illusoire de croire qu’il soit éventuellement possible de maîtriser le risque de l’expertisé afin qu’il puisse retourner dans la collectivité », conclut dans un rapport de 40 pages Marc-André Lamontagne, un expert en psychologie et en évaluation de la dangerosité et de récidive violente.
À ses yeux, certains facteurs jouent en faveur de M. Bissonnette: il est intelligent, a peu d’antécédents criminels, n’est pas un psychopathe, n’a pas une personnalité antisociale et n’est «généralement pas impulsif».
Or, pour que les conditions d’une remise en liberté soient réunies, l’homme de 28 ans devra diminuer le risque qu’il représente en travaillant sur lui-même et en se soumettant à des interventions. Entre autres choses, M. Bissonnette n’éprouve pas d’empathie et ne semble pas pour l’instant éprouver de réels remords par rapport à ce qu’il a fait, même s’il a manifesté de la honte. Le psychologue a aussi remarqué qu’il gérait mal ses émotions.
M. Lamontagne, qui a consulté toute la preuve et s’est entretenu pendant sept heures avec le criminel, a aussi mentionné que Bissonnette avait des traits manipulateurs. En plus de simuler des comportements de psychose après ses crimes, l’homme aujourd’hui âgé de 28 ans avait menti sur son état mental pour obtenir un permis d’armes.
Rappelons qu’Alexandre Bissonnette a déjà été condamné à un minimum de 25 ans de prison et que le débat judiciaire actuel porte sur la détermination de la peine. Cette dernière peut théoriquement s’étendre sur 150 ans en raison des nombreux crimes qu’il a commis.
Bref, la question est de savoir si le risque qu’il représente actuellement pour la société pourra être maîtrisé avant sa mort, a résumé l’expert. M. Lamontagne a en outre souligné que, même si on rendait une libération possible après 25 ans, elle serait assujettie à une nouvelle évaluation psychologique et à des conditions de remise en liberté.
Des années d’intimidation
Le débat entre experts en psychologie et en psychiatrie ne fait que commencer au palais de justice de Québec. M. Lamontagne doit notamment être contre-interrogé mardi par les procureurs de la Couronne qui ont leurs propres experts.
Lundi, la défense a mis en évidence l’intimidation dont a été victime Alexandre Bissonnette pendant sa jeunesse et l’impact que cela a eu sur sa personnalité.
Une ancienne enseignante est notamment venue raconter au tribunal le harcèlement constant dont il a été victime aux niveaux primaire et secondaire. «Après tout ce qu’Alexandre avait enduré, je ne pouvais pas me taire », a dit au juge Lucie Côté, 71 ans.
Mme Côté a dit l’avoir vu se faire bousculer et harceler sur une base «quotidienne» dans les corridors, alors qu’en classe, les autres se moquaient de lui quand il s’exprimait «Ce n’était pas ordinaire. L’école n’avait pas pris des mesures pour contrer ça», a-t-elle affirmé.
L’expert Marc-André Lamontagne a quant à lui avancé que dans un premier temps, c’est en pensant à ses intimidateurs qu’Alexandre Bissonnette a développé sa pulsion de mort. «L’idée de base, c’était de se venger, de faire quelque chose de grandiose pour réparer ce qu’il avait vécu», a-t-il dit.
Il a soutenu que l’idéologie était secondaire dans la démarche du meurtrier et que le choix de la mosquée comme cible était venu dans un deuxième temps. À cet égard, il a relevé qu’Alexandre Bissonnette avait déjà songé à attaquer le campus de l’Université et était passé proche de s’exécuter dans un centre commercial en novembre 2016.
Il «a essayé de se convaincre qu’il pouvait y avoir des terroristes dans ces gens-là pour que ça devienne plus acceptable à ses yeux », a-t-il dit en parlant des fidèles de la mosquée.
D’emblée, les discours de la «mouvance de droite» dont il se nourrissait «ont pu contribuer à attiser» et «déterminer la cible», mais le tout reposait d’abord sur un désir de vengeance, a-t-il fait valoir.