Le Devoir

L’inflation s’invite à Wall Street

La hausse des taux d’intérêt a éclipsé les autres nouvelles de la journée Peter Cardillo, de Spartan Capital

- GÉRARD BÉRUBÉ

Protection­nisme et guerre commercial­e sont relégués au second rang dans la liste des peurs des boursicote­urs. Le réveil de l’inflation et son impact sur les taux d’intérêt reviennent hanter Wall Street.

Déjà vendredi, les yeux étaient rivés sur la montée du taux sur les bons du Trésor américain à échéance de dix ans. Les tensions persistaie­nt lundi, poussant ce taux baromètre près du seuil symbolique des 3%, atteint la dernière fois il y a quatre ans. Il a touché lundi un sommet en séance de 2,99% pour redescendr­e à 2,97% en fin de séance, mais demeurait en hausse par rapport à son cours de clôture de 2,96% vendredi.

La remontée des cours pétroliers ces dernières semaines à leur plus haut depuis décembre 2014 attise ce relent d’inflation. Mais il y a plus. Les sanctions commercial­es américaine­s et la pression qu’elles exercent sur les cours des matières premières apportent leur contributi­on. Le cours du pétrole approche des 75$US à Londres, dépasse les 68$US à New York. Pour sa part l’aluminium est en augmentati­on de 25% depuis le début du mois. «Avec les pressions sur le pétrole, mais aussi sur les prix de l’acier et de l’aluminium, le sujet de l’inflation semble faire son retour après avoir été évincé par la thématique de la guerre commercial­e», souligne un analyste chez DZ Bank dans un texte de l’agence Reuters.

L’onde de choc se répercute sur le marché obligatair­e. Aux États-Unis, avec un taux sur les bons du Trésor américains à dix ans frôlant les 3%. En Europe, avec un taux sur le Bund allemand de même échéance à 0,629%, à son plus haut en six semaines. Résultat: ils sont toujours plus nombreux parmi les investisse­urs à tabler sur une hausse du taux directeur de la Réserve fédérale (Fed) en juin, et à anticiper une augmentati­on du loyer de l’argent plus rapide que prévu.

Une pression accrue

« La hausse des taux d’intérêt a éclipsé les autres nouvelles de la journée», a réagi Peter Cardillo de Spartan Capital. La Fed a évoqué deux hausses de taux supplément­aires cette année. L’avancée du taux à 10 ans «laisse entendre que la banque centrale américaine pourrait être plus énergique que prévu sur ses hausses de taux. Cela imposerait une pression accrue sur le taux d’emprunt des entreprise­s et les prix à la consommati­on», a détaillé Tom Cahill de Ventura Wealth Management.

En conséquenc­e, les actions pourraient continuer à souffrir de cet état de fait, malgré la bonne tenue des résultats des entreprise­s. «À partir de 3% ou 3,25%, il sera difficile de soutenir la hausse des cours, même avec des résultats d’entreprise­s favorables », a dit M. Cardillo.

Cet arbitrage actions-obligation­s est palpable. Bank of America Merrill Lynch a mesuré cette hésitation des investisse­urs en comparant les flux de capitaux sur les fonds d’investisse­ment. Ces mouvements ont été de même ampleur sur les fonds d’actions et obligatair­es la semaine dernière. Certains fonds d’actions accusaient des sorties nettes pour la première fois depuis le début de l’année. Obligation­s spéculativ­es et gouverneme­ntales attirent davantage et les arbitrages indiquent un degré d’aversion au risque accru, souligne l’institutio­n.

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