Sylvain le Magnifique vous offre un peu d’amour et de magie
Samuel Cantin et Henry Bernadet signent une websérie fantaisiste et décalée
Martin Henri de Roméo et Fils a eu du flair lorsqu’il a décidé de présenter Henry Bernadet à Samuel Cantin. Le premier était fan des bédés du second (Vil et misérable, Whitehorse ); le second aimait beaucoup le long métrage du premier (À l’ouest de Pluton, réalisé avec Myriam Verreault). Partageant le même type d’humour, les deux artistes se sont tout de suite bien entendus: «Martin est un alchimiste», lance le réalisateur joint par téléphone à son retour de Lille, où il a présenté la websérie Sylvain le Magnifique au festival Séries Mania.
« J’ai été très séduit par la prémisse : un magicien qui peut faire tout ce qu’il veut mais qui est blasé parce qu’il ne peut pas reconquérir le coeur de son ex. Je trouve ça très drôle, mais il y a aussi un côté dramatique que j’aime qui permettait une certaine profondeur, un onirisme dans la réalisation, ce qui était un mélange intéressant pour moi. En fait, chaque personnage a
un peu de drame en lui », explique Henry Bernadet.
« Je ne sais pas comment j’ai eu ce flash, mais j’aimais l’idée d’une personnalité publique, qui ait un agent, une certaine vanité, un ego qui va avec tout ça, tout en ayant une grosse insécurité. J’ai alors eu l’idée d’un vrai magicien, mais qui ferait de la vraie magie. Je me suis dit que je pouvais faire du millage avec ça», raconte Samuel Cantin.
À des années-lumière du personnage qu’il incarne dans L’écrivain public, websérie de Michel Duchesne et Éric Piccoli, Emmanuel Schwartz incarne ce magicien que les animateurs de talk-show, surtout le survolté Patrick Mathieu (Christian Bégin), s’arrachent, au grand dam de son rival, Barloute l’Étonnant (Daniel Lemire), et de l’agent de celuici, le dévoué Bernard (Éric Bernier).
Toujours amoureux de Léa (Léane Labrèche-Dor), Sylvain découvre qu’elle fréquente depuis peu Jug (Julien Lacroix), champion de BMX qui n’a peur de rien, sauf des tornades. Ne sachant plus quoi faire pour séduire son ex, il ne cesse de demander à son agent, l’incompétent Marc (Julien Corriveau, aussi conseiller à la réalisation avec Henry Bernadet), de planifier puis d’annuler sa tournée. L’entrée en scène d’un mystérieux personnage venu d’une contrée lointaine (Berdj Garabedian) pourrait changer la vie de tout ce petit monde.
«Sylvain, c’était le personnage le plus difficile à caster. Tous les personnages sont assez typés, caricaturaux, et lui, il est le straight-man, même s’il est le personnage principal », se souvient Samuel Cantin.
«Emmanuel est apparu très vite, on espérait qu’il puisse le faire parce que c’est un comédien qui a un charisme incroyable et qui portait bien ce personnage qui a des convictions, qui est assez complexe. En plus, Emmanuel connaissait l’univers de Sam», révèle Henry Bernadet.
Liberté de création
En passant de l’écriture de la bédé à celle d’une websérie de huit épisodes de dix minutes, Samuel Cantin affirme qu’il ne s’est pas senti freiné dans son élan créateur. Si d’emblée il éliminait des scènes qui auraient occasionné trop de dépenses, le scénariste a eu plus de difficulté à trouver son rythme.
«Pour des scènes de deux minutes, je pouvais avoir vingt pages de texte; j’ai trouvé ça un peu difficile de réduire la durée des scènes», dit le scénariste, qui a conçu le récit comme un grand tout avant de le structurer en épisodes.
Bien que, lorsque regardés en rafale, les épisodes de Sylvain le magnifique forment un long métrage, Henry Bernadet ne l’a pas conçu comme un film, mais bien comme une série: «Peu importe le nombre de morceaux, c’est quand même un univers qu’on crée, et il fallait que ce soit cohérent. Même si on frôle le fantastique, qu’on est dans l’humour absurde et des situations décalées, c’est un monde
Sylvain, c’était le personnage le plus difficile à caster. Tous les personnages sont assez typés, caricaturaux, et lui, il est le straight-man, » même s’il est le personnage principal. SAMUEL CANTIN
quand même réaliste. Il fallait que le jeu soit authentique afin de rendre les personnages attachants. »
Critique par moments féroce du showbiz québécois — toute ressemblance avec certaines vedettes ne serait pas fortuite —, Sylvain le Magnifique transforme une fête donnée chez Patrick Mathieu en une suite de scène des plus inattendues grâce à l’imagination débordante de Samuel Cantin, à l’audace du réalisateur et des producteurs, de même qu’à la générosité de l’humoriste Jay Du Temple, qui se moque de son image publique, et du peintre Marc Séguin, que l’on découvre sous un nouveau jour.
«Je me suis pincé!» s’exclame le scénariste. À la première lecture, je me disais que cette scène allait être la première à sauter. C’était l’affaire la plus improbable, mais on l’a fait, alors qu’on a eu des problèmes pour des scènes plus simples à tourner. »
«On se disait que ce serait étonnant de pouvoir le faire », renchérit le réalisateur. Je pense qu’au départ, tout le monde a été séduit par le texte et l’univers de Sam, ce qui nous a ouvert des portes. C’est un projet quand même ambitieux qu’on a tourné en neuf jours, ce qui n’est pas beaucoup. À Lille, j’ai entendu un producteur se plaindre qu’il n’avait eu que 17 jours de tournage… Disons qu’on est dans un autre monde. »
Souhaitant une deuxième saison pour Sylvain le Magnifique, Samuel Cantin et Henry Bernadet aimeraient cette fois avoir plus de moyens à leur disposition. «La websérie permet plus de liberté que la télévision traditionnelle. Le Web est aussi là pour qu’on essaie des choses. Le paradoxe, c’est qu’on n’a pas les moyens de faire des choses qui donneraient une vraie voix à cette liberté-là parce que les moyens sont dérisoires», conclut le réalisateur.