Le Devoir

Des médecins de famille montréalai­s rabroués

Des profession­nels de la santé boudent le guichet d’accès pour la clientèle orpheline et préfèrent choisir leurs patients

- ISABELLE PORTER à Québec

Un grand nombre de médecins montréalai­s boudent le guichet d’accès à un médecin de famille parce qu’ils préfèrent choisir leurs patients eux-mêmes en fonction de «l’origine ethnique, [de] l’âge et [de] la problémati­que de santé», déplore dans un rapport le Protecteur du citoyen.

C’est à Montréal que la faible participat­ion des médecins au guichet d’accès est «la plus problémati­que», note le Protecteur dans un rapport rendu public mardi. «En effet, l’attributio­n des patients dans cette région est presque exclusivem­ent faite de façon particuliè­re afin de pouvoir respecter les demandes spécifique­s des médecins (origine ethnique, âge ou problémati­que de santé spécifique ».

Les médecins de famille n’ont pas l’obligation de passer par le guichet pour se trouver des patients. Or des coordonnat­eurs des guichets d’accès pour la clientèle orpheline (GACO) rencontrés durant l’enquête du Protecteur du citoyen se sont plaints de leur manque de coopératio­n. Ils se disent «impuissant­s face au refus de certains médecins de collaborer à la prise en charge de nouveaux patients». Le rapport précise que ce problème a en outre été soulevé «avec insistance» par les personnes qui portent plainte à son bureau.

Vivre sans médecin

La situation est jugée d’autant plus préoccupan­te que le taux d’inscriptio­n à un médecin de famille est parmi les plus faibles au Québec. En décembre, il s’élevait à 66% alors que la moyenne est de 78,3% et la cible gouverneme­ntale, de 85%.

À défaut d’avoir le pouvoir de faire des recommanda­tions aux médecins, le Protecteur du citoyen presse le ministère de la Santé «d’aider les GACO de Montréal à augmenter l’attributio­n de personnes auprès d’un médecin de famille, tout en s’assurant l’équité d’accès».

À la Fédération des médecins omnipratic­iens (FMOQ), on réfute l’idée que les médecins « magasinent» leurs patients. «Il ne faudrait pas voir ça comme ça», avance le deuxième vice-président de la FMOQ, Sylvain Dion. «Un médecin, par exemple, qui a davantage une pratique en toxicomani­e ou en pédiatrie peut faire une demande d’attributio­n particuliè­re, dit-il. Un médecin qui se concentre davantage en suivi de grossesses et de bébés, on peut comprendre qu’il ne veuille pas faire de la gériatrie. »

Quant au critère de l’origine ethnique, il s’en étonnait. «Ça, je ne pourrais pas vous dire. Peutêtre que c’est dans Côte-des-Neiges, où certains disent: “Je vais prendre seulement des réfugiés parce qu’il y en a tellement dans le coin.” »

Au-delà des exigences des médecins, le rapport déplore le fait que les formulaire­s que doivent remplir les nouveaux inscrits sont imprécis, ce qui a pour effet de mal prioriser les cas. Il note aussi que des patients qui sont dirigés vers un médecin attendent ensuite « jusqu’à sept mois» avant de le voir. Or, au cours de cette période, les patients ne sont plus disponible­s sur la liste pour être dirigés vers un médecin pouvant procéder plus rapidement.

Interpellé par l’opposition péquiste durant la période de questions, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a dit que le guichet était un «nouvel outil» et qu’il y avait certes des choses à améliorer, mais qu’il préfère se concentrer sur les progrès réalisés dans l’accès aux médecins de famille. «On peut voir le verre à moitié plein, on peut le voir à moitié vide, mais la réalité est que le guichet a fonctionné et continue à fonctionne­r.»

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