Un protecteur de l’élève plus indépendant
Les écoles resteront toutefois soustraites aux nouvelles règles
Le ministre de l’Éducation propose de renforcer le rôle du protecteur de l’élève dans les écoles publiques en lui donnait plus d’indépendance et de pouvoir. Mais les écoles privées ne seront pas soumises aux mêmes règles et n’auront toujours pas de protecteur de l’élève.
Le projet de loi 183, déposé par le ministre Sébastien Proulx mercredi à l’Assemblée nationale, est basé en grande partie sur les recommandations de la protectrice du citoyen, qui avait publié un rapport dévastateur sur le traitement des plaintes dans les écoles publiques l’automne dernier.
En conférence de presse, le ministre a reconnu que le processus actuel était vicié : « Déjà que les parents, dans certaines circonstances, se doivent d’être extrêmement résilients pour obtenir tous les services, s’il faut, chaque fois qu’ils veulent faire valoir les droits de leurs enfants, qu’ils se tapent une autre bataille en règle avec la machine, ça ne m’apparaît pas correct. Alors, s’ils ont des droits à faire valoir, il faut leur donner un processus qui est clair, qui est connu, qui est simple et qui est indépendant. »
Le ministre propose de nommer lui-même le protecteur de l’élève dans chacune des commissions scolaires.
Le protecteur de l’élève deviendra la porte d’entrée pour toutes les plaintes des parents et devra traiter celles-ci en moins de 30 jours. Il pourra également choisir d’intervenir de sa propre initiative, sans attendre le dépôt d’une plainte formelle.
Les parents insatisfaits d’une décision ou des suites données par le conseil des commissaires à cette décision pourront se tourner vers le protecteur du citoyen.
Le ministre ne va pas jusqu’à obliger les commissions scolaires à suivre les recommandations du protecteur de l’élève, mais il se dote d’un nouveau pouvoir par lequel il pourra luimême obliger les commissions scolaires à y donner suite.
Privé
Le projet de loi comprend une douzaine de pages visant à baliser ce nouveau rôle dans les écoles publiques, mais à peine cinq paragraphes sur le traitement des plaintes dans les écoles privées.
«Dans les écoles privées, plutôt que d’avoir un mécanisme de protecteur de l’élève qui s’apparente à celui de la commission scolaire, on va exiger que chacun des établissements privés se dote d’un mécanisme formel d’étude et d’analyse de plaintes», explique le ministre.
Il justifie son choix par le fait que les structures ne sont pas les mêmes. «La procédure dans un établissement privé fait référence à ce qui se passe sous le toit d’un seul établissement avec le personnel et les quelques centaines d’élèves qui s’y trouvent plutôt que des dizaines de milliers, par exemple, dans une commission scolaire. »
Il n’est pas indiqué dans le projet de loi qui sera responsable du traitement des plaintes dans les écoles privées, mais l’attaché de presse du ministre répond que ce sera la personne responsable du plan de lutte contre l’intimidation et la violence dans chacune des écoles.
« Au public, ils nous imposent tout un nouveau processus de nomination super complexe et au privé, ils vont pouvoir nommer leur propre directeur général. Bonjour l’indépendance!» raille le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Alain Fortier, qui dénonce le projet de loi dans son ensemble.
«Poudre aux yeux»
Aucun recours au protecteur du citoyen n’est prévu dans le projet de loi pour les parents du privé, mais «toute personne a accès au protecteur du citoyen», répond l’attachée de presse du ministre.
Sauf qu’en ce moment, le protecteur du citoyen n’a pas autorité dans le réseau privé, puisque son mandat est de s’assurer que «le droit des citoyens est respecté au sein des services publics», rappelle-t-on au bureau de la protectrice du citoyen, qui réserve ses commentaires sur le projet de loi pour les consultations publiques.
Dans les écoles privées, c’est donc le ministre lui-même qui répondra en deuxième instance aux parents insatisfaits du traitement de leur plainte par l’école, prévoit le projet de loi. Ce dernier pourra «entreprendre toute démarche qu’il juge appropriée auprès de l’établissement ».
«C’est bien beau, mais nous avons déjà fait ça et le ministère nous avait rabroués en disant qu’il n’avait pas de pouvoir d’enquête », soupire Christine Gingras, qui milite depuis des mois pour que les parents du privé puissent bénéficier eux aussi d’un protecteur de l’élève. Elle qualifie ce projet de loi de « poudre aux yeux ».
Et elle n’est pas la seule. Jean-François Roberge, de la CAQ, parle lui aussi d’un « simulacre de protection». Il trouve «indécent de laisser les 130 000 élèves du privé sans protection ».
De son côté, la Fédération des comités de parents du Québec «salue» le projet de loi et affirme qu’«il n’y a aucune excuse acceptable pour éviter d’adopter le projet de loi » d’ici la fin de la session parlementaire.