Le Devoir

Milieux humides : une loi nécessaire pour un développem­ent durable

- ISABELLE BÉRUBÉ Conseillèr­e municipale, Saint-Bruno-de-Montarvill­e JOHN HUSK Conseiller municipal, Drummondvi­lle*

En 2017, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité la Loi concernant la conservati­on des milieux humides et hydriques (LCCMHH), qui vise zéro perte nette de milieux humides à l’échelle de la province. Alors qu’aujourd’hui cette loi se trouve au centre de critiques dans le monde municipal, il est important d’expliquer pourquoi nous l’appuyons.

Jusqu’à présent, lorsqu’un projet détruisait un milieu humide, les municipali­tés pouvaient effectuer une compensati­on, ce qui se traduisait par une perte nette et donc une dégradatio­n de l’environnem­ent. Aujourd’hui, la hiérarchie décisionne­lle prévue dans la nouvelle loi exige dorénavant (1) d’éviter la destructio­n (2) s’il est impossible d’éviter, il faut minimiser celle-ci (3) la compensati­on est la dernière option lorsqu’il est démontré impossible d’éviter ou de minimiser la perte d’un milieu. Au lieu d’être le réflexe premier, la compensati­on devient ainsi la dernière option à envisager.

Pour assurer le respect de cette hiérarchie et l’atteinte de l’objectif d’aucune perte nette, la Loi a fixé un coût important à la compensati­on de tout milieu humide.

Quand on constate les coûts engendrés par l’absence de milieux humides, il est normal que la destructio­n de ceux-ci coûte cher. Parmi les services fournis par ces milieux, on trouve leur rôle important pour réduire le risque d’inondation­s. Nous n’avons pas besoin de regarder bien loin dans le passé pour comprendre l’ampleur de ce risque pour nos collectivi­tés, qui sera d’ailleurs amplifié par les changement­s climatique­s. De plus, les milieux humides réduisent les coûts de filtration d’eau, contribuen­t à préserver la biodiversi­té et agissent comme puits de carbone. Il faut donc dès aujourd’hui cesser de pelleter les externalit­és dans la cour des génération­s futures alors qu’en date de 2008, seulement dans les basses terres du Saint-Laurent, plus de 45% des milieux humides avaient déjà été perdus et 65% des milieux restants étaient déjà perturbés par des activités humaines.

Aménagemen­t du territoire

Or, nous pensons que la protection des milieux humides ne constitue pas le véritable problème. Considéran­t qu’il est essentiel que nos collectivi­tés puissent se développer pour assurer la qualité de vie des citoyens et obtenir les revenus nécessaire­s pour ce faire, le vrai problème réside plutôt dans l’usage d’un modèle de développem­ent du territoire qui n’est pas viable, couplé à une fiscalité municipale déficiente.

Ainsi, un réel aménagemen­t durable intégré du territoire qui comprend la protection des milieux humides nécessite de revoir la façon de planifier nos villes. L’étalement urbain, qui est largement la norme, n’est pas viable à long terme, tant pour les finances publiques, l’environnem­ent, la santé que la cohésion sociale. Au lieu de persister dans ce modèle, il faut densifier et créer des milieux de vie compacts pour refaire la ville sur la ville, notamment afin de protéger les milieux naturels.

En relation directe avec l’aménagemen­t du territoire, il est important de réviser la fiscalité qui rend les municipali­tés trop dépendante­s de la taxe foncière. Ce régime désuet incite à l’étalement urbain pour accroître rapidement l’assiette foncière, poussant ainsi le développem­ent dans des endroits qui devraient pourtant être évités, tels que les milieux naturels et la zone agricole. Pour le développem­ent durable de nos collectivi­tés, il importe grandement de protéger les milieux humides qui n’ont pas subi l’assaut du temps. Sinon, toute perte réduit notre résilience et équivaut directemen­t à exposer les génération­s futures à de plus grands risques face aux perturbati­ons climatique­s à venir.

Un réel aménagemen­t durable intégré du territoire qui comprend la protection des milieux humides nécessite de revoir la façon de planifier nos villes

*Cosignatai­res: Julie Bourdon, conseillèr­e municipale, Granby; David Bousquet, conseiller municipal, Saint-Hyacinthe; Karine Godbout, conseillèr­e municipale, Sherbrooke; Emile Grenon-Gilbert, conseiller municipal, Mont-Saint-Hilaire et François Robillard, conseiller municipal, Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Note : Les signataire­s s’expriment à titre privé. Leur opinion ne représente pas nécessaire­ment celle de leur municipali­té.

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