Toujours aussi diviseur
Le projet de loi 141 sur l’encadrement du secteur financier continue d’opposer deux consensus
Le projet sur la refonte de l’encadrement du secteur financier reste aussi diviseur qu’à ses débuts. Il oppose toujours deux consensus : celui des grandes institutions financières à celui des groupes défendant les consommateurs et le rôle conseil.
Le projet de loi 141 est dans sa phase d’étude finale par les parlementaires. À quelques semaines de la fin de session législative, il est demandé aux membres de la Commission des finances publiques de ne pas précipiter la remise de leur copie. Vu l’ampleur du chantier, la portée des enjeux et l’étendue des changements proposés, il y a danger de précipitation estivale alors que les sections les plus délicates ou litigieuses n’ont pas encore été abordées.
Faisant front commun, trois groupes de protection des intérêts des particuliers ont manifesté leur crainte la semaine dernière. L’Union des consommateurs, Option consommateurs et la Coalition des associations de consommateurs du Québec ont réclamé le retrait du projet de loi de quelque 500 pages. «Compte tenu de son importance et de la complexité des enjeux, il est manifestement impossible que la Commission puisse étudier de façon approfondie les tenants et aboutissants du projet de loi 141 à l’intérieur du calendrier parlementaire actuel », ont-ils soutenu.
Les membres de la Commission ont précisé la semaine dernière qu’ils avaient reçu du ministère des Finances au moins 4653 pages de notes explicatives. Et l’examen en serait à la moitié du projet de loi, alors que la partie la plus névralgique n’a pas encore été abordée, souligne une source bien informée. On pense aux révisions concernant les deux Chambres — de la sécurité financière et de l’assurance de dommage —, à l’exclusivité du conseil réservée aux professionnels et à la normalisation entourant le conseil et les services financiers.
Surtout, depuis tout ce temps écoulé depuis le dépôt du projet de loi, en octobre 2017, les opposants restent toujours bien retranchés dans leur camp respectif. Devant les grandes institutions financières se braquent associations de consommateurs, conseillers indépendants, courtiers immobiliers et organismes d’autoréglementation.
Ces derniers ont reçu l’appui du Barreau du Québec, d’une quinzaine de signataires, dont Alain Paquet, ministre délégué aux Finances dans le gouvernement Charest, Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins, et Rosaire Bertrand, ancien président de la Commission des finances publiques dans le gouvernement Landry. Ces premiers n’ont jamais démontré le malfonctionnement du système actuel. Malgré l’intensité de leur lobbying, ils n’ont pas su convaincre de la désuétude d’une structure d’encadrement bicéphale faisant cohabiter le disciplinaire et l’autoréglementation de proximité. Ni faire la preuve que la protection du public sera accrue sous un régime basé sur une autodiscipline interne des firmes, cabinets
et institutions soumis à une supervision périodique et lointaine d’une Autorité des marchés financiers devenue omnipotente.
Le cabinet du ministre des Finances Carlos Leitão situe ce projet omnibus dans un encadrement qui, dit-il, n’a pas évolué depuis 30 ans. La réglementation a pourtant été adaptée au décloisonnement des institutions financières. Elle a passé le test de la crise financière. Elle a suivi l’avènement des produits hybrides, du conseil-robot, du sociofinancement ou encore l’essor de la Fintech. Elle a également évolué vers l’expansion du marché dit dispensé, faisant une grande place à l’assouplissement en présence d’investisseurs «qualifiés» et «admissibles». Ce long processus en développement continu ne peut que confirmer l’importance des enjeux liés à la conformité, aux conseils et au suivi répondant à une littératie financière demeurant déficiente.