Le Devoir

Françoise Abanda se dit victime de discrimina­tion raciale

- ALEXANDRE GEOFFRION-MCINNIS

La Québécoise Françoise Abanda considère qu’assez, c’est assez! Quelques jours après être devenue la joueuse de tennis la mieux classée au pays, elle a profité de sa nouvelle notoriété pour aborder un thème hautement controvers­é : la discrimina­tion raciale dans le tennis.

Tout a commencé par un simple gazouillis mercredi matin. « Je ne recevrai jamais le même traitement parce que je suis Noire. C’est la vérité! », a-t-elle écrit, en réponse à une question d’un abonné qui s’interrogea­it sur le faible intérêt qu’elle suscitait par son nouveau titre, soutiré d’Eugenie Bouchard.

Dans la plus récente mise à jour du classement mondial de la WTA, lundi, Bouchard a dégringolé de 51 places, pour se retrouver au 169e échelon. Abanda, qui est maintenant 128e, a toutefois tenu à dire qu’elle n’avait rien contre la joueuse de Westmount.

« Mon problème n’est pas avec Eugenie. J’ai une admiration pour Eugenie. Elle a fait beaucoup pour le Canada, elle a déjà été cinquième au monde et elle a un meilleur palmarès que moi, a reconnu Abanda en conférence téléphoniq­ue de Slovaquie, où elle a accédé mercredi au deuxième tour du tournoi ITF de Trnava. Je ne crache pas sur elle, je n’ai jamais craché sur elle, et je ne le ferai jamais. »

Mais voilà. Même si elle jure qu’aucun élément déclencheu­r n’a entraîné son gazouillis controvers­é, il fallait qu’elle se vide le coeur. « J’ai laissé passer, et laissé passer, mais là, aujourd’hui, j’avais envie de m’exprimer. Il y a une réalité raciale qui existe, et je veux m’exprimer pour changer les mentalités, pour encourager l’égalité. Je sais que c’est un problème profond, qui prendra plusieurs années à être réglé, mais je veux raconter ce que j’ai vécu », a évoqué Abanda.

Deux événements

La joueuse âgée de 21 ans estime avoir été témoin « de centaines, et centaines » d’actes discrimina­toires au fil de sa carrière, et elle a identifié deux événements qui l’ont choquée particuliè­rement au cours des derniers mois.

Il y a d’abord eu son exclusion de la vidéo promotionn­elle de Tennis Canada l’automne dernier. Selon l’organisati­on, l’absence d’Abanda serait due à la mauvaise qualité du message qu’elle aurait enregistré.

« Le but de Tennis Canada était loin d’exclure Françoise de la vidéo; c’était plutôt pour des motifs techniques et d’horaire. Elle avait enregistré un message, mais au final, au moment du montage, il n’était pas de suffisamme­nt bonne qualité pour qu’on puisse l’intégrer. On a tenté de trouver un moment avec Françoise pour refaire le message, mais n’était pas disponible pour le faire de nouveau, et c’est la raison pour laquelle elle n’en faisait pas partie. »

« Tennis Canada m’a donné la même version, a d’abord convenu Abanda. Mais j’ai trouvé ça bizarre que je sois exclue de la vidéo, alors que tous les autres joueurs canadiens y étaient. C’était injuste de m’exclure; c’est discrimina­toire parce que je suis la seule Noire à avoir été exclue de la vidéo. »

Abanda est également revenue sur son retrait de la rencontre de Fed Cup entre le Canada et l’Ukraine il y a quelques semaines au stade IGA, après s’être blessée à la tête dans une chute survenue quelques minutes avant son premier match.

« J’ai subi une commotion cérébrale, et aucun média n’a parlé de ça, a-t-elle souligné. C’était tabou. Personne n’a demandé à en parler, personne n’a tenté de savoir quand est-ce que je reviendrai­s au jeu. Ce n’est pas normal. »

Tennis Canada

Abanda assure néanmoins entretenir une très bonne relation avec Tennis Canada, qui «m’aide à sa façon». C’est ce qu’a confirmé en entretien téléphoniq­ue l’entraîneur de l’équipe canadienne en Fed Cup, Sylvain Bruneau.

«Nous avons des joueuses de plusieurs origines — africaine, asiatique, européenne de l'Est, notamment —, et je pense que nous sommes, chez Tennis Canada, très inclusifs, a dit Bruneau. Ça ne change rien à notre relation. Elle a fait de grandes choses pour le Canada en Fed Cup, elle est très patriotiqu­e, et je suis certain qu'elle sera impliquée avec nous en Fed Cup pendant plusieurs années encore. Ses commentair­es aujourd’hui n'auront aucun impact sur sa place dans l'équipe.»

La Montréalai­se, dont le meilleur classement en carrière reste une 111e place l’automne dernier, a toutefois été ralentie par de nombreuses blessures au cours des derniers mois.

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Françoise Abanda

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