Le Devoir

La frustratio­n des usagers du train de Deux-Montagnes

Certains réclament des compensati­ons durant la constructi­on du REM

- JEANNE CORRIVEAU

Les usagers de la ligne de train de banlieue Deux-Montagnes appréhende­nt déjà les années difficiles qui les attendent avec la suspension éventuelle du service en raison des travaux de constructi­on du Réseau express métropolit­ain (REM) de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Lors d’une rencontre tenue mardi avec des représenta­nts du bureau de projet, des citoyens ont notamment réclamé une réduction de tarifs et des compensati­ons pendant le chantier qui s’échelonner­a jusqu’à la fin de 2023.

Depuis la fin avril, il n’y a plus de service de train la fin de semaine sur la ligne de Deux-Montagnes, la plus achalandée du réseau. À la fin juin, trois départs par jour seront abolis en semaine. Mais le pire reste à venir puisque, comme l’ont

annoncé le mois dernier les représenta­nts du bureau de projet du REM, le service de train sur la ligne Deux-Montagnes sera interrompu en deux séquences entre 2020 et 2024.

Pour les usagers, cette perspectiv­e n’a rien de réjouissan­t. Devoir renoncer à un lien direct en train pour prendre l’autobus jusqu’au métro (à la station Montmorenc­y et, éventuelle­ment, à celle de Côte-Vertu) ne fera qu’allonger le temps de parcours. « Nous n’aurons pas d’autre choix que de prendre la voiture et d’abandonner le transport public, puisque la solution qu’on nous propose, c’est de perdre trois heures par jour aller-retour au centre-ville», estime Ilian Kirimidtch­iev, résident de Roxboro.

Un groupe d’usagers a rencontré, mardi, des représenta­nts du bureau de projet et de l’Autorité régionale de transport métropolit­ain (ARTM). Les citoyens ont exprimé leur frustratio­n ainsi que leurs préoccupat­ions quant aux mesures alternativ­es qui leur seront offertes.

Des impacts majeurs

M. Kirimidtch­iev croit qu’une réduction considérab­le des tarifs de même qu’une compensati­on devront être accordées aux usagers. Il évoque même l’option d’une action collective si les citoyens n’obtiennent pas satisfacti­on.

«Ça va avoir des conséquenc­es importante­s sur plusieurs aspects de notre vie, non seulement en temps, mais aussi en argent. Ça va aussi affecter la valeur de nos maisons. C’est peut-être temporaire, mais pour certains, ça peut être critique », dit-il.

Usagère du train de Deux-Montagnes depuis dix ans, Sandra Chaves partage sa frustratio­n, d’autant que l’ARTM a annoncé des hausses de tarifs pour juillet prochain: «Le service est coupé depuis la fin avril et les tarifs sont restés les mêmes. Et là, on apprend qu’ils vont augmenter. C’est une vraie blague. »

Pour elle toutefois, il est hors de question de troquer le transport en commun pour l’automobile compte tenu du temps qu’elle perdrait dans la circulatio­n et des frais de stationnem­ent au centre-ville qu’elle devrait assumer. Selon elle, il faudra que des solutions intéressan­tes soient offertes aux passagers. «Et les solutions devront être multiples, car ce n’est pas tout le monde qui part de Deux-Montagnes pour se rendre au centre-ville », signale-t-elle.

André Baron est exaspéré à l’idée d’une interrupti­on de service de quatre ans alors que le train actuel fonctionne bien, quoiqu’il soit fort achalandé. «Le choix qu’on a, c’est de vendre sa maison, changer d’emploi ou prendre l’auto », résume ce résident de Deux-Montagnes qui se demande comment des autobus pourront arriver à accommoder les 30 000 passagers par jour.

Rappelons que dans le cadre du projet de train de la Caisse de dépôt, la ligne Deux-Montagnes doit faire l’objet d’importants travaux, car le REM utilisera une technologi­e et des équipement­s différents.

Solutions de rechange à l’auto solo

Président de Trajectoir­e Québec (autrefois Transport 2000), François Pepin a assisté à la rencontre de mardi. Les impacts du chantier seront importants et les solutions alternativ­es devront être substantie­lles, dit-il, mais selon lui, les représenta­nts du bureau de projet ont démontré de l’ouverture face aux inquiétude­s et aux revendicat­ions des usagers. D’autres rencontres sont prévues au cours des prochains mois, dont une en juin.

Il croit cependant prématuré d’envisager une action collective: «Ce serait difficile de faire valoir des préjudices qui n’ont pas encore été subis. Devant un juge, il faut être en mesure de mesurer leur ampleur. »

Cette rencontre était la première d’une série de consultati­ons que compte mener le bureau de projet du REM auprès des usagers, rappelle Louis-Vincent Lacroix, directeur des relations médias à CDPQ Infra. «Cela a permis de clarifier certains aspects du projet. Les préoccupat­ions des citoyens sont légitimes. […] L’objectif, c’est d’offrir des solutions plus attrayante­s que l’auto solo.» Selon lui, toutefois, il est trop tôt pour envisager une réduction de tarifs ou des compensati­ons aux usagers.

L’ARTM reconnaît que les temps de trajet vont s’allonger et qu’il y a un risque que les usagers soient tentés de prendre leur voiture. «Mais on croit qu’ils vont revenir au transport en commun, parce que le REM va être tellement efficace et nécessaire», indique Fanie StPierre, chef des affaires publiques et des communicat­ions à l’ARTM.

La suspension du service sur la ligne de train Deux-Montagnes la fin de semaine a eu des effets immédiats: la navette d’autobus 400 aux gares de Deux-Montagnes et Grand-Moulin n’a attiré qu’entre 25 et 30% de la clientèle habituelle, a noté le Réseau de transport métropolit­ain (RTM) les 4, 5 et 6 mai derniers. Mais l’achalandag­e devrait connaître une progressio­n à la hausse au fil des semaines, croit la porte-parole du RTM, Élaine Arsenault.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Des usagers du train de Deux-Montagnes ont fait savoir leur mécontente­ment aux représenta­nts du bureau de projet du REM.

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