De la légitimité de l’élection scolaire
Oui, parlons-en de la démocratie scolaire, mais pour une fois, pourrait-on essayer d’en parler autrement? Pourrait-on, pour une fois au Québec, parler des défis que nous avons toutes et tous à relever, plutôt que de répéter sans cesse le même discours? Plutôt que de rester dans les gradins à huer les participants, chaussons les patins tous ensemble pour redonner à ce gouvernement local tout le mérite qui lui est dû. Travaillons à mobiliser les citoyens autour des instances de proximité et à inviter chaque personne à s’ouvrir à l’intérêt collectif, à y mettre un peu du sien.
Je partage l’avis de monsieur Jean-Pierre Proulx (Le Devoir, 15 mai 2018) lorsqu’il dit que la démocratie scolaire a besoin de se renouveler. Nous avons, comme élus scolaires, notre propre prise de conscience à faire autour du rôle que nous pouvons et devons jouer dans nos communautés. Quelle place y occuponsnous ? Quels leviers utilisons-nous pour créer une véritable communauté scolaire? Depuis octobre dernier, la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) a entrepris une démarche visant justement à moderniser le rôle des élus scolaires. Et lors de notre colloque de mai, nous présenterons les conclusions de notre démarche et les actions que nous entendons prendre pour jouer pleinement notre rôle, pour passer d’un gouvernement de processus à un gouvernement d’idées.
Une responsabilité
La société québécoise n’a pas droit à ce décrochage de la démocratie scolaire, pas plus que les individus qui la composent ne peuvent se recroqueviller sur eux-mêmes en prétextant ne pas se sentir concernés. Plutôt que de se sentir non intéressés, éveillons notre responsabilité. N’avons-nous pas placé l’éducation au sommet des priorités des Québécois? N’est-ce pas l’avenir de notre société dont il est question ici ? Chaque élève qui fréquente l’école deviendra un jour notre plombier, notre sylviculteur, notre technicien en soins infirmiers, notre ingénieur en voirie… N’avons-nous pas tous intérêt à nous assurer que les élèves, nos enfants, reçoivent la meilleure éducation qui soit et que chacun d’eux réalise son plein potentiel? Nous avons tous un effort à faire pour améliorer la participation citoyenne au scrutin scolaire: il faut s’informer, poser des questions, choisir la personne qui selon nous représentera le mieux la communauté au Conseil des commissaires.
J’aimerais aussi revenir sur la notion d’enjeu dont monsieur Proulx souligne l’absence dans l’exercice démocratique scolaire. En effet, notre campagne électorale ne sert pas à faire des promesses de baisse d’impôt ou de troisième lien routier ou encore de création d’emplois. M. Proulx a raison, nous n’avons pas d’enjeux de cette nature. Mais si nous regardons le mot «enjeu» comme ce que l’on risque de perdre ou de gagner dans une élection scolaire, le discours le transforme.
Lorsqu’on vote aux élections scolaires, on est invités à choisir la meilleure personne possible pour garantir l’impartialité dans les décisions prises au Conseil des commissaires. C’est, à n’en pas douter, une question de légitimité puisque cette personne a été choisie par la communauté pour la représenter au Conseil des commissaires. Nous lui demandons, à travers le vote populaire, de faire les meilleurs choix favorisant l’atteinte de la mission éducative, celle qui encourage la persévérance et la réussite de nos élèves. Cette légitimité octroie aux élus scolaires le devoir d’assurer l’équité dans les services offerts aux élèves et menant à leur réussite.
Cette équité ne veut surtout pas dire égalité. Si, administrativement, les services sont distribués également, le dédouanement que reçoit une élue ou un élu scolaire de la part de la population lui procure la légitimité de donner plus de services et de ressources à certains, qui en ont besoin plus que d’autres. Il n’y a qu’un gouvernement de proximité qui peut être garant de l’équité en milieu scolaire. Un groupe d’élus scolaires ne gouverne pas en réaction à l’anecdote du jour. Il se décolle de la fenêtre, saisit la situation complète, la place dans un ensemble de situations similaires, délibère et fait progresser la commission scolaire à travers ses décisions. C’est grâce à cette réflexion, légitimée par la population, qu’un Conseil des commissaires constitue le véritable vecteur d’équité. C’est ce qui est «en jeu» dans le maintien de la démocratie scolaire.
Si le vote populaire se situe seulement à 5%, nous avons tous une part de responsabilité, les élues et élus scolaires compris. Nous demandons depuis longtemps de mettre en place des conditions facilitant la participation citoyenne (le vote électronique, par exemple), mais nous prions également tous les politiciens, tous les médias et tous ceux qui, comme monsieur Jean-Pierre Proulx, prennent la parole publiquement de ne pas contribuer à la disparition de la responsabilité citoyenne, mais d’être plutôt des leaders de l’éducation à la citoyenneté. L’enjeu est trop important pour baisser les bras, pour décrocher de cette dimension scolaire.