Expo Ici Londres au Musée de la civilisation de Québec
Ici Londres scrute les différents mouvements artistiques nés dans la capitale britannique
La ville de Québec, un pastiche de Londres? De loin, la vue du Musée de la civilisation donne cette impression. Sur la façade a poussé la tour du Big Ben, du moins sa réplique en vinyle. Une fois près de l’entrée, le visiteur découvre un panneau du métro londonien. Le célèbre cercle rouge avec sa barre bleue indique ici « station Musée ».
Si Québec se donne ainsi des airs british, c’est que le musée abrite désormais l’exposition Ici Londres. Mais les apparences sont trompeuses. Car Ici Londres n’est pas un ramassis de pièges.
Même si le parcours de l’expo débute devant un (vrai) Black Cab — l’Austin FX4 immatriculé Québec qu’un pub de la rue Saint-Jean a conservé sous ses atours de taxi londonien —, le propos ne s’embourbe pas dans ce genre de clichés.
Il cherche plutôt, et y réussit, à scruter les formes artistiques qui ont jailli dans Chelsea, South Bank, East End et combien d’autres quartiers de la capitale britannique. Exit le conservatisme et les monuments du passé. Place à la créativité née dans l’après-guerre.
Couvrant des décennies de création dans les arts visuels, la mode, la musique et le design, Ici Londres dresse le portrait de celle qui a su se renouveler afin de demeurer un pôle culturel d’influence.
«On voulait comprendre pourquoi Londres s’est trouvé à l’avant-garde, ce qui a fait sa force d’attraction pour tant de créateurs de différents domaines, résume Caroline Lantagne, chargée de projet pour cette exposition conçue à Québec. La création est devenue un agent et un reflet de la transformation de la société. »
Du Festival of Britain, qui lance en 1951 l’idée que le mobilier peut être de bon goût et abordable (IKEA n’a rien inventé), aux Young British Artists (YBA), génération dorée et milliardaire apparue dans les années 1990, en passant par la minijupe, la beatlemanie, le punk: Londres, c’est ça et bien plus.
L’expo est la troisième que le Musée de la civilisation consacre à une ville à un moment charnière de son histoire. Après les regards sur Rome (2011) et sur Paris (2013), Ici Londres s’en distingue pour son contenu essentiellement artistique et contemporain. Que des oeuvres, empruntées en majorité de l’autre côté de l’océan et réalisées en fonction, ou en réaction, des conditions de vie. Un exemple : l’icône du pop art britannique qu’est devenu un collage de Richard Hamilton. Avant l’émergence des Warhol et autres pop américains, l’exposition This Is Tomorrow de 1956, dont l’affiche reproduit l’oeuvre de Hamilton, est un premier écho à la naissante de la société de consommation.
Un quartier à la fois
Sectionnée par îlots vitrés, au détriment parfois des oeuvres, la scénographie de l’expo mime la carte géographique: au centre de la salle, une maquette du coeur économique de Londres (la City) et au sol, une animation de la Tamise. Chaque îlot, lui, est associé à un quartier, favorisant les regroupements thématiques.
Abbey Road, ce sont les Beatles et les costumes portés par Lennon. East End, ce sont les YBA, dont on a droit à plusieurs exemples, bien que les plus irrévérencieux se trouvent dans la section Chelsea, partie ouest de la ville d’où Saatchi les a mis sur le marché. Le meilleur cas: Popcorn Shells (1995), de Chris Ofili, une oeuvre comportant des excréments d’éléphant.
C’est aussi à Chelsea qu’on croise les Sex Pistols, les Rolling Stones, Bowie, puis des phares de la mode qui s’y sont greffés, dont Vivienne Westwood, la styliste derrière la mode punk. C’est aussi dans ce quartier qu’a oeuvré Mary Quant, la mère de la minijupe, symbole de liberté, ainsi que le polémique Allen Jones, auteur des sculptures érotiques où le corps féminin devient meuble.
La cohabitation est un des traits de la capitale britannique. «On peut mettre en parallèle l’anarchie et la monarchie, l’avant-garde et la tradition, la pauvreté et la richesse. Les contrastes contribuent à créer un terrain propice où l’on peut oser des choses », analyse Caroline Lantagne.
Condensé, parfois confus, le parcours a néanmoins ses coins plus aérés et se résume parfois à une seule oeuvre. Toute une, dans le quartier Archway: l’installation vidéo Royal Ascot (1994), où l’artiste Mark Wallinger se moque des protocoles royaux.
À moins de vouloir se perdre dans ce Londres muséal, le visiteur gagnera à se laisser guider par l’application numérique. La voix de l’animatrice Geneviève Borne, auteure du bouquin 300 raisons d’aimer Londres (2017), identifie chaque secteur, ce que la signalétique n’arrive pas toujours à faire.
C’est aussi par des capsules de réalité augmentée que le public expérimentera mieux certains éléments de l’expo, notamment ceux liés à la musique. Oui, une trame musicale anime la salle d’exposition, mais ce ne sont que les airs les plus populaires qu’on entend. Sauf erreur, le God Save the Queen, celui des Sex Pistols, brille par son absence. Pas de pastiche en salle, même pas l’hymne. ICI LONDRES
Au Musée de la civilisation jusqu’au 10 mars 2019