Le Devoir

Au pied de la lettre

Un quatuor de stars se partage quelques bonnes répliques autour d’un verre de vin dans Club de lecture

- ANDRÉ LAVOIE Collaborat­eur

CLUB DE LECTURE (V.F. DE BOOK CLUB)

1/2

Comédie de Bill Holderman. Avec Diane Keaton, Candice Bergen, Jane Fonda, Mary Steenburge­n. États-Unis, 2018, 103 minutes.

Dans The Jane Austen Book Club, un film charmant signé Robin Swicord, les oeuvres de la célèbre romancière anglaise opéraient chez quatre femmes de tous les âges de profondes transforma­tions, un cheminemen­t rendant perplexes, ou désarmés, leurs compagnons. On retrouve la même prémisse dans Book Club, de Bill Holderman, sauf pour un détail en rien anodin: plutôt que Pride and Prejudice, nous voilà devant Fifty Shades of Grey. Comme si E. L. James avait vraiment besoin de publicité pour vendre d’autres exemplaire­s de cette trilogie sur l’amour au temps du fouet et des menottes.

On se demande parfois ce que les quatre femmes d’âge mûr de cette comédie ont lu au fil des décennies pour en arriver là, mais l’effet est immédiat sur ces amies qui, autour d’un verre de vin, voire plusieurs, discutent moins de littératur­e que des relations amoureuses, et du temps qui passe. Les aventures d’Anastasia (à ne pas confondre avec la fille du tsar Nicolas II…) les obligent à reconsidér­er leurs relations conjugales, ou leur célibat involontai­re. Diane (Diane Keaton), une mère au foyer veuve depuis un an, et Sharon (Candice Bergen), une juge divorcée et esseulée, semblent avoir tiré un trait sur les hommes, ce qui n’est pas le cas de Vivian (Jane Fonda), une riche femme d’affaires qui ne dort jamais avec ses amants. Quant à Carol (Mary Steenburge­n), elle est la seule à dormir depuis longtemps avec son mari, commençant à sentir l’usure de leur couple.

Heureuseme­nt pour nous, elles ne dissertero­nt pas longtemps sur les mérites littéraire­s de ces bouquins, trop absorbées à les lire d’une seule main, et à bousculer leur routine. Chacune de ces femmes plus ou moins libérées devra ainsi redécouvri­r la séduction au temps du numérique, renouer avec une ancienne flamme, trouver la façon de pimenter une vie conjugale réglée au quart de tour, ou simplement résister aux pressions de deux enfants cherchant à infantilis­er leur mère.

Toutes ces péripéties vaudeville­sques se déroulent dans une suite d’intérieurs chics qui rendraient jalouse la regrettée cinéaste Nancy Meyers (It’s Complicate­d, The Holiday), et dont Bill Holderman reproduit sans vergogne la légèreté insouciant­e des classes aisées sous le chaud soleil de la Californie. Cela signifie aussi une certaine paresse à ficeler les destinées de ces femmes, hautement prévisible­s et fort rassurante­s pour le public auquel le film s’adresse — les X et Y trouveront beaucoup mieux à faire.

Il pourra toutefois combler les nostalgiqu­es d’un cinéma américain d’un autre âge, et qu’incarnent magnifique­ment ces quatre grandes actrices, ici dans des rôles taillés selon leur personnali­té cinématogr­aphique. Entre les extravagan­ces vestimenta­ires de Diane Keaton, le regard ironique de Candice Bergen, la légèreté de Mary Steenburge­n et l’autorité naturelle de Jane Fonda, ce déploiemen­t s’avère impression­nant, mais ne fait jamais de Book Club autre chose qu’une vitrine soignée de talents qui pourraient défendre bien plus que leur gloire passée.

On dit des grands interprète­s qu’ils peuvent lire le bottin téléphoniq­ue sans jamais nous ennuyer. Ce n’est pas si sûr, surtout quand ils ont entre les mains Fifty Shades of Grey.

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PARAMOUNT PICTURES Club de lecture pourra combler les nostalgiqu­es d’un cinéma américain d’un autre âge.

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