Célébration double pour le Quatuor Molinari
L’ensemble fête ses 20 ans ainsi que les 85 du compositeur R. Murray Schafer
Le Quatuor Molinari, qui fête cette saison ses vingt ans d’existence, célèbre ce soir au Conservatoire de musique les 85 ans de son compositeur fétiche, R. Murray Schafer.
Fondatrice du Quatuor Molinari, Olga Ranzenhofer est pleine d’entrain au moment d’aborder la dernière partie de la saison. Parlant au Devoir de «lune de miel» et d'«avenir prometteur», elle s’exclame: «Vous allez entendre un nouveau Molinari, avec un élan de jeunesse et de fougue.»
L’objet de cette flamme est Antoine Bareil, qui remplace désormais au second violon Frédéric Bednarz. Le Konzertmeister de l’Orchestre symphonique de Laval, qui a vu paraître récemment chez Analekta un CD Trios avec harpe avec Stéphane Tétreault et son épouse Valérie Milot, donnera ce soir son premier concert avec les Molinari. «Nous connaissions un peu Antoine, nous nous sommes rencontrés, nous avons joué ensemble et le coup de foudre a été immédiat. L’ambiance de travail est très fertile», nous confie Olga Ranzenhofer.
La transition vers un nouveau Quatuor Molinari a été très rapide à partir de l’annonce du retrait de Frédéric Bednarz, fin 2017. Elle se fait aujourd’hui, car la musique de R. Murray Schafer est au coeur du gros projet de l’année 2019 des Molinari: une intégrale des quatuors à cordes du compositeur, au sein d’un concept multimédia piloté par la vidéaste Barbara Willis Sweete, présentée en juin 2019 au festival des arts et de la créativité Luminato de Toronto.
«Barbara Willis Sweete, qui adore Murray Schafer, est allée déjà plusieurs fois filmer le compositeur chez lui. On va le voir dessiner en entendant ses quatuors, c’est une grande fresque émouvante. Le concert de vendredi est la première étape de notre préparation pour ce projet», se réjouit la violoniste.
À 85 ans, le corpus des quatuors à cordes de R. Murray Schafer est constitué. Le compteur est bloqué à 13 quatuors: «C’est la fin de sa production, car Murray Schafer est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il a peu de moments de lucidité et n’écrit plus. Quand il a eu son diagnostic, en 2015, il s’est dit : “Je ne suis pas fini du jour au lendemain”, et il nous a envoyé un quatuor, son dernier, un petit bijou qu’il n’a pas nommé “Quatuor no 13”, mais Alzheimer Masterpiece. Cela s’est avéré sa dernière oeuvre. »
Le choix, pour le concert de ce soir, des Quatuors nos 1, 3 et 7 était incontournable aux yeux d’Olga Ranzenhofer. «Le Quatuor no 7, avec soprano obligé, est le premier quatuor qu’il a écrit pour nous. Il va au bout de ses idées avec un éclatement de la forme et du lieu, ainsi que des déplacements. Le 3e Quatuor est celui de mes premières amours avec le quatuor contemporain il y a 31 ans, lorsque j’ai donné mon premier concert avec le Quatuor Morency, en tant que second violon. Quant au 1er Quatuor, on y trouve déjà tous les éléments de l’écriture de Schafer.»
Les travaux du Quatuor Molinari suscitent un intérêt croissant à l’étranger, puisque les disques consacrés successivement à Schnittke, Goubaïdoulina et Kurtag ont été distingués par la presse internationale. Armé d’un prix Echo pour le disque Kurtag, le Quatuor Molinari vise une tournée en Allemagne et dans les pays de l’Est. Olga Ranzenhofer pense aussi que le projet multimédia autour de Murray Schafer à l’horizon de juin 2019 va tourner sur plusieurs années.
Dans le développement de ses projets à Montréal, la fondatrice du quatuor insiste sur la série «Musique à voir» à la Fondation Molinari, « où nous jouons entourés d’oeuvres d’art, en puisant dans notre répertoire» et dans le grenier des Molinari, une entente de trois ans avec les Jeunesses musicales qui permettra à terme de toucher des milliers d’élèves du primaire au Québec et en Ontario. QUATUOR MOLINARI
R. Murray Schafer; Quatuors nos 1, 3 et 7. Avec Aline Kutan (soprano). Conservatoire de musique de Montréal. Vendredi 18 mai à 19 h 30.