Le Devoir

Changement de cap en matière d’endettemen­t

- GÉRARD BÉRUBÉ

Cette hausse des taux d’intérêt appelée à se poursuivre et cette récession que Donald Trump rend toujours plus rapprochée forcent un rééquilibr­age du portefeuil­le de dette des particulie­rs. Difficile, toutefois, de voir si ce réajusteme­nt est de nature prudentiel­le ou s’il témoigne d’une tension financière sous-jacente.

L’endettemen­t des Québécois augmente, c’est connu. Selon les données de Statistiqu­e Canada pour 2017, la dette totale sur le marché du crédit atteignait 2131 milliards. Cette enveloppe était répartie entre la dette hypothécai­re (1397 milliards), le crédit à la consommati­on (630 milliards) et les prêts non hypothécai­res. Plus en détail, d’une année à l’autre, le crédit à la consommati­on a crû de 5,3% en 2017, comparativ­ement à une progressio­n de 3,9% en 2016. Pour sa part, la dette hypothécai­re a augmenté de 4,9% l’an dernier, après une poussée de 6% en 2016.

Ce bilan laisse transpirer une année économique particuliè­rement dynamique l’an dernier, avec un marché de l’emploi plutôt robuste et une augmentati­on notoire du revenu personnel disponible des ménages. Mais il traduit également un rééquilibr­age du passif des ménages influencé par la remontée du loyer de l’argent déclenchée en juillet.

Dans un rapport publié en mars, l’agence de notation DBRS faisait notamment état d’un déplacemen­t vers les marges de crédit hypothécai­res alors que le poids de la dette sur carte de crédit poursuivai­t son repli amorcé en 2011. Les marges de crédit garanties par une propriété résidentie­lle ont augmenté de 7,2% en 2017 et représenta­ient le plus grand segment du crédit à la consommati­on comptabili­sé dans le bilan des banques canadienne­s, observait l’agence. Le taux de défaillanc­e était à seulement 0,02%. Pour leur part, le montant des prêts sur carte de crédit ne comptait que pour 17,1% de la dette à la consommati­on, en moyenne, l’an dernier et le taux de perte était en léger recul, à 2,69 %.

DBRS disait de ce déplacemen­t entre les deux types de prêts qu’il était le résultat de l’améliorati­on de la qualité du bilan des ménages et des conditions d’emploi. Mais la hausse des taux d’intérêt commençait à faire sentir ses effets. Malgré la stabilité du revenu alloué au service de la dette, le poids de la facture d’intérêt dans le versement s’est accru de 6,6% au quatrième trimestre. Et quoique demeurant bas et en baisse sur un an, les situations de défaut de paiement avaient augmenté de 2,6% au cours du dernier trimestre.

Selon les estimation­s du Mouvement Desjardins, le taux moyen d’intérêt sur la dette des ménages est passé de 3,9% à la fin de 2016 à 4,06% à la fin de 2017. Les paiements d’intérêt par rapport au revenu disponible sont ainsi passés de 6,28 % à 6,55 % en un an.

L’agence Equifax a observé, pour sa part, que 46% des emprunteur­s avaient baissé leurs dettes personnell­es l’an dernier. Et que le taux de délinquanc­e de 90 jours et plus, déjà faible, avait diminué dans tous les groupes d’âge. Par tranche, l’agence indique que ceux composant les millénaria­ux affichent le taux de délinquanc­e le plus élevé, alors que le groupe des 56 ans et plus revendique le taux d’accroissem­ent de l’endettemen­t le plus rapide. «Encore une fois, la dette des Canadiens plus âgés continue aussi d’augmenter, ce qui pourrait indiquer que les millénaria­ux obtiennent un peu d’aide », avait suggéré Equifax en mars dernier.

Seule ombre au tableau, un sondage de BMO publié en février indiquait que 40% des Canadiens (37% des Québécois) avaient fait un retrait de leur REER avant l’échéance limite de 71 ans. Et l’achat d’une propriété n’était pas le motif principal. Du moins le RAP était évoqué pour 27% des répondants canadiens, pour 35% des Québécois. Le règlement des dépenses courantes (23%) et les urgences (21%) retenaient l’attention, suivis du remboursem­ent de dette (20%).

Mais à l’opposé, s’ils sont plus endettés, les ménages sont également plus riches sur papier. Leur valeur nette s’établissai­t à 302 300$ par habitant à la fin de 2017, contre 288 400 $ un an plus tôt. Au cumul, elle était cinq fois plus élevée que la dette.

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