Le Devoir

Entre immunité et impunité

-

De deux choses l’une, selon toute vraisembla­nce : ou le procureur spécial Robert Mueller, nommé il y a exactement un an, déposera au début de l’été son rapport sur l’ingérence russe dans la présidenti­elle de 2016, ou il attendra après les législativ­es de mi-mandat de novembre prochain. Entendu que, de toute façon, l’extraordin­aire scandale à tiroirs que M. Mueller est en train de disséquer pèsera de toutes sortes de manières sur ces élections, qu’il attende ou non.

Un important «complément d’informatio­n» a fait les grands titres cette semaine sur la foi de propos tenus par Rudolph Giuliani, avocat du président Trump et ex-maire à poigne de la ville de New York. À savoir que, même si M. Mueller parvenait à des conclusion­s incriminan­tes, ce dernier n’intenterai­t pas de poursuite contre M. Trump, suivant un avis du ministère américain de la Justice selon lequel un président en exercice ne peut être poursuivi.

Cette position n’est pas parfaiteme­nt avérée, puisque le bureau de M. Mueller n’a pas confirmé les dires de M. Giuliani, dont le dévouement à M. Trump est trop aveugle pour ne pas être suspect.

Mais elle tend à confirmer que le sort du président dans cette histoire est et restera une affaire purement politique. De Richard Nixon à Bill Clinton, soulignait jeudi The New York Times, les procureurs spéciaux s’en étaient strictemen­t tenus à ce point de vue du ministère de la Justice. Si donc, dans ce scénario, M. Mueller concluait à l’obstructio­n de justice ou à la collusion entre les Russes et l’équipe de campagne de M. Trump, il reviendra au Congrès — pour l’heure à majorité républicai­ne — et aux électeurs le soin de punir ou non le président.

Cette boîte de Pandore qu’est l’enquête Mueller va sûrement donner lieu à d’autres révélation­s salissante­s. Les pressions s’intensifie­ront sur les démocrates pour qu’ils réclament la destitutio­n du président, comme leurs électeurs y sont très largement favorables. Dans quelle mesure les républicai­ns pourront-ils continuer, quant à eux, de se contenter de diaboliser M. Mueller sans souffrir des pertes au sein de leur propre électorat?

L’immunité est un privilège drôlement bien ancré dans nos cultures politiques. Elle a un pendant: l’impunité. Le respect de la volonté populaire est un beau grand principe démocratiq­ue. Sauf qu’en l’occurrence, il se heurte à un système électoral dysfonctio­nnel qui fait douter que cette volonté puisse s’exprimer clairement.

 ??  ?? GUY TAILLEFER
GUY TAILLEFER

Newspapers in French

Newspapers from Canada