17 octobre, le jour de la mari
Avant cette date, posséder du cannabis continuera d’être illégal
C’est le 17 octobre que les Canadiens pourront s’allumer un joint en toute légalité. Pas avant. Car d’ici là, le gouvernement de Justin Trudeau somme les citoyens de respecter la loi actuelle et sa prohibition de la marijuana.
Cette grande promesse électorale du premier ministre était attendue pour le 1er juillet. Mais les libéraux ont écarté cet échéancier, l’hiver dernier, et parlaient dès lors d’une légalisation à la fin de l’été, voire au début septembre. Ce sera finalement encore plus tard, à la mi-octobre, que le cannabis sera officiellement légal au Canada. Le temps d’offrir un petit délai supplémentaire aux provinces et aux corps policiers afin qu’ils s’y préparent, a expliqué Justin Trudeau mercredi.
« Trois de nos grandes provinces, y compris le Québec, nous ont demandé un peu plus de temps. Je sais que c’est important de le faire comme il faut. Alors, nous donnons au Québec plus de temps pour le faire », a fait valoir le premier ministre.
Un sursis qui devrait assurer, selon lui, une mise en oeuvre en douceur. « Même si l’on reconnaît que la légalisation de la marijuana est un processus complet et non pas un événement d’une seule journée, on s’attend à ce qu’en donnant plus de temps aux provinces pour s’assurer qu’elles sont entièrement prêtes le jour de l’entrée en vigueur de cette loi, ce sera une transition réussie et harmonieuse. »
Le Sénat a donné son feu vert au projet de loi C-45, mardi. La nouvelle loi obtiendra la sanction royale jeudi. Mais le gouvernement avait prévenu, dès le départ, qu’il prévoirait un délai pour permettre en outre aux producteurs de cannabis de se préparer à la demande.
Le gouvernement québécois avait été informé de la date fixée par le fédéral. Il n’y a donc pas eu de surprise, pour le cabinet du premier ministre Philippe Couillard. «C’est sûr qu’on va être prêts », a assuré la ministre québécoise de la Santé publique, Lucie Charlebois. La Société québécoise du cannabis prépare ses opérations. L’embauche et la formation du personnel vont bon train, a-t-elle attesté.
Le Manitoba a jugé de son côté que la légalisation arrivait encore un peu trop vite. La ministre de la Justice, Heather Stefanson, avait fait valoir au fédéral qu’une légalisation dès juillet n’était « pas réaliste ». « Donc, on est contents qu’ils nous aient écoutés », a-t-elle commenté, se disant toutefois encore inquiète que certains paramètres — comme les appareils de dépistage de facultés affaiblies par la drogue sur les routes — ne soient pas en place à temps. À cette préoccupation, son homologue fédérale, Jody Wilson-Raybould, a rétorqué que les policiers avaient déjà des outils pour déceler les conducteurs drogués, puisqu’il s’agit d’une infraction au Code criminel depuis 1925.
À partir de l’entrée en vigueur, nous allons commencer à regarder la question des pardons et des dossiers criminels. Mais jusqu’à ce que la loi soit changée, c’est un nonsens, c’est illogique de commencer à vouloir parler de pardons quand la loi actuelle existe encore.
Des pardons suivront ?
Aussitôt Justin Trudeau avait-il annoncé que son gouvernement légaliserait le cannabis, qu’il avait été sommé par des avocats et des militants procannabis d’accorder un pardon aux Canadiens accusés de possession simple de marijuana. Une réflexion à ce sujet est en cours, au gouvernement.
Des dizaines de milliers de Canadiens sont accusés chaque année d’infractions liées au cannabis. En 2016, ils étaient 23 329 à être visés par des accusations, dont 17 733 qui ont été inculpés de possession de marijuana.
Mais le premier ministre a tranché, mercredi, qu’il serait prématuré d’annoncer une quelconque amnistie avant que le cannabis récréatif ne soit réellement légalisé. « La loi qui existe existera encore jusqu’au 17 octobre, a-t-il argué. À partir de l’entrée en vigueur, nous allons commencer à regarder la question des pardons et des dossiers criminels. Mais jusqu’à ce que la loi soit changée, c’est un non-sens, c’est illogique de commencer à vouloir parler de pardons quand la loi actuelle existe encore. »
Sa ministre de la Justice avait justepeu ment rappelé aux citoyens, en matinée, que «la loi demeure la loi». Et Jody Wilson-Raybould a invité les Canadiens à continuer de la respecter en attendant l’entrée en vigueur de la légalisation du cannabis.
Querelle de compétences
La ministre fédérale a par ailleurs refusé d’indiquer quelle loi — la fédérale ou la provinciale — les citoyens devraient suivre à compter du 17 octobre.
« Il y a une loi qui a été dûment adoptée au Québec et c’est la loi de cette province. Si des individus ne sont pas d’accord avec cette loi, ils peuvent la contester », s’est contentée d’indiquer Mme Wilson-Raybould.
La loi fédérale permettra la culture de quatre plants à domicile, tandis que les lois québécoise et manitobaine l’interdiront. La ministre québécoise Lucie Charlebois a maintes fois martelé qu’au Québec les policiers appliqueraient la loi québécoise.
« C’est dans nos responsabilités constitutionnelles et on entend utiliser nos compétences complètement, y compris la nécessité de les défendre devant les tribunaux, s’il le faut», a renchéri le premier ministre Couillard mercredi. Un avertissement que martèle aussi le gouvernement du Manitoba depuis quelques semaines.
Le gouvernement fédéral a toujours assuré qu’il ne contesterait pas luimême les lois provinciales. Mais Justin Trudeau a affirmé ce printemps qu’il tenait à ce que la légalisation du cannabis en permette la production à domicile. Et son gouvernement a rejeté un amendement du Sénat à son projet de loi, qui aurait précisé que les provinces ont le pouvoir de prohiber la culture personnelle si elles le souhaitent.
La ministre Wilson-Raybould s’est défendue d’encourager les citoyens à contester la loi québécoise, répétant depuis des mois qu’un individu qui se sentirait lésé pourrait s’adresser aux tribunaux. « C’est une mauvaise interprétation de dire que j’encourage les gens. Je ne le fais certainement pas. »
Le ministre québécois des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier — qui l’avait accusée d’en faire autant ce printemps —, lui a cependant reproché de laisser planer « une ambiguïté dans la tête des gens ».