Ottawa et Québec se préparent en vue de turbulences liées à Trump
Ottawa et Québec passent de l’attente à la défense. La multiplication des attaques commerciales du gouvernement Trump appelle à des manoeuvres budgétaires.
De passage au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), le premier ministre Philippe Couillard est revenu sur le retour du Québec à l’équilibre budgétaire. « Ça a pris de la détermination, cette détermination a permis de rétablir la santé financière du Québec. Tellement qu’on dispose maintenant d’une réserve budgétaire permettant de faire face à des chocs économiques.» En référence aux multiples attaques tarifaires américaines et à cette renégociation de l’ALENA qui s’enlise dans la durée, il a jouté devant l’auditoire de quelque 500 personnes qu’« on pensait qu’ils étaient lointains, les chocs économiques, mais l’actualité des dernières semaines permet de craindre qu’elles ne se rapprochent. »
« On a déjà des manifestations d’entreprises qui nous disent retarder ou modifier leurs intentions d’investissement. Ce n’est pas une théorie. C’est quelque chose qui est en train d’arriver. Ça ne paraît pas encore dans les chiffres. Ces chiffres sont toujours décalés dans le temps. Mais c’est quelque chose qu’on perçoit très bien actuellement sur le terrain », a-t-il ajouté en mêlée de presse.
Dans une présentation distincte, le premier ministre a dressé une longue liste des actions protectionnistes américaines touchant le Québec. « Il y a eu le bois d’oeuvre. Il y a eu le papier journal. Il y a eu l’assaut de Boeing contre Bombardier. Il y a l’incertitude entourant le renouvellement de l’ALENA. Il y a la gestion de l’offre. Maintenant, ce sont des tarifs de 20 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium. » Pour ensuite ajouter que le Conseil des ministres vient de tenir une séance extraordinaire avec les leaders syndicaux et patronaux pour discuter « des gestes à poser dans ces circonstances extraordinaires ».
Rencontre ministérielle
Peu avant, un texte de La Presse canadienne évoquait une rencontre, vendredi, entre le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, et des économistes du secteur privé. Une consultation inhabituelle qui s’ajoute aux deux réunions semestrielles statutaires, en période prébudgétaire printanière et préalablement à l’énoncé économique automnal, a-t-il été rappelé.
Au cabinet de M. Morneau, on préfère éviter tout lien avec cette partie de l’actualité, se contentant d’affirmer que le ministre souhaite que de telles consultations soient plus régulières.
Une rencontre des ministres des Finances doit également avoir lieu la semaine prochaine sur le thème des tensions commerciales avec les États-Unis et de l’incertitude qui en découle. La rencontre ministérielle recevra exceptionnellement la visite de l’ambassadeur du Canada aux États-Unis. David MacNaughton doit y faire une présentation sur l’état des lieux en matière de relations bilatérales. Normalement absent de ces rencontres ministérielles, le secteur privé y sera représenté. Et le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, doit y parler de conjoncture économique.
On a déjà des manifestations d’entreprises qui nous disent retarder ou modifier leurs intentions d’investissement. Ce n’est pas une théorie. C’est quelque chose qui est en train d’arriver.
PHILIPPE COUILLARD
Prudence
À ce jour, Ottawa a toujours joué de prudence, préférant se donner du temps pour circonscrire l’impact des mesures américaines avant d’adopter des mesures budgétaires appropriées. Le budget Morneau de février dernier ne contenait, d’ailleurs, aucun geste concret notamment en réponse à la réforme fiscale du gouvernement Trump. Le ministre Morneau disait préférer se donner le temps d’évaluer les retombées de la réforme avant de réagir de façon définitive. Il serait aussi prématuré d’agir en anticipation d’un éventuel échec des négociations de l’ALENA, qui ne serait pas sans incidence sur l’économie canadienne. On s’en remettait à la poursuite des pourparlers.
Il venait d’essuyer les reproches de ne pas avoir prévu de mesures budgétaires spéciales pour en atténuer l’impact sur l’économie canadienne ou de ne pas s’être, au moins, gardé plus de marge de manoeuvre financière afin d’agir rapidement, au besoin.
Un an plus tôt, dans son budget de mars 2017, la défensive cohabitait avec l’attente. Entraves au commerce, contraintes à l’exportation, fiscalité « compétitive » des entreprises et baisse du fardeau fiscal des particuliers… Le budget libéral ne pouvait faire fi de ces éventualités américaines. Les freins ont été appliqués sur les dépenses budgétaires. Bill Morneau a également réintroduit une réserve pour contingences et s’est refusé à tout échéancier encadrant le processus de retour à l’équilibre budgétaire. Il abaissait également ses prévisions de croissance économique.