Dans le labyrinthe du ministère de la Justice
Un document est erronément déclaré inexistant faute de « répondants habituels »
Le ministère de la Justice a erronément conclu qu’une présentation PowerPoint réclamée en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics n’existait pas, et ce, parce qu’il ne pouvait compter en cette période estivale sur des employés « habitués » à « faire le repérage de documents ». Dans une décision transmise au Devoir lundi, le ministère a ainsi écrit qu’il ne « détient pas le document en lien avec [notre] demande d’accès ».
Or voilà : non seulement le document existe-t-il, mais le ministère a de surcroît déboursé 1058 $ pour en assurer la création, a-t-il lui-même confirmé lors de l’étude des crédits budgétaires en avril.
Après que Le Devoir lui eut remémoré cette dépense, le ministère a retrouvé et transmis, mardi, le document dont il niait l’existence la veille.
La raison de cette première déclaration erronée ? La présence au ministère d’employés « qui ne sont pas habitués à faire le repérage de documents», puisque c’est « la période des vacances », a déclaré la responsable de l’accès aux documents au ministère de la Justice, Marie-Claude Daraiche.
« Ce sont des gens moins habitués, qui n’ont pas fait le tour de roue habituel. C’est une simple question administrative, une façon de faire », a avancé l’avocate comme justification. « Il y a eu une confusion», a-t-elle ajouté. Mais la confusion n’a pas empêché ces mêmes employés de conclure dans une décision formelle, au terme de quatre jours de recherche, que le ministère ne détenait pas le document — en l’occurrence, une présentation PowerPoint utilisée dans une formation sur la neutralité religieuse qu’il a lui-même fournie à 18 employés.
Me Daraiche ne se formalise pas de cette situation ayant mené à une conclusion erronée, que Le Devoir a ensuite dû remettre en question. «En fait, l’important, c’est, je pense, qu’on vous a transmis l’information que vous souhaitiez obtenir », a-t-elle déclaré.
Le cabinet de la ministre responsable de l’Accès à l’information, Kathleen Weil, n’a pas voulu commenter ce « cas précis ». Un conseiller en communications du ministère de la Justice, PaulJean Charest, a assuré qu’il s’agissait d’une « erreur de bonne foi ». « Par le passé, il est arrivé que, suite à une décision rendue, de nouveaux documents aient été identifiés. Dans de tels cas, des réponses supplémentaires sont transmises au demandeur », a-t-il déclaré. La procédure d’accès aux documents des organismes publics est inscrite dans la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics. Elle requiert l’envoi d’une demande officielle, puis des employés ministériels responsables de l’accès qui doivent y répondre dans un délai n’excédant pas 30 jours.
La demande formulée par Le Devoir, qui cherchait à obtenir les documents liés à la formation sur la neutralité religieuse dispensée aux fonctionnaires de l’État québécois, a été envoyée le 18 juillet.
Si sa prise en charge par des employés remplaçants pendant la période des vacances a mené à une déclaration fautive, il ne s’agit là que d’une exception, a fait valoir Me Daraiche. « C’est assez rare. […] C’est l’exception, parce que généralement le repérage est bien fait, il est exhaustif », a-t-elle assuré.
Dans le cas précis du Devoir, «les gens étaient déjà en train de se questionner», a-t-elle ajouté, reconnaissant du même souffle qu’il n’existe « pas du tout » de processus formel de révision des décisions à l’interne.
Les demandeurs peuvent en revanche exiger une révision en s’adressant à la Commission d’accès à l’information, où 2750 demandes sont actuellement en traitement.
Une erreur de bonne foi PAUL-JEAN CHAREST