Le Devoir

Partager l’eau, pour l’éthique et le commerce

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L’eau douce est un produit dont la valeur économique a sensibleme­nt augmenté et qui continuera à croître. Elle est devenue une source croissante de richesse et une occasion d’investisse­ments de plus en plus rentable. La raison en est simple : comme pour les autres ressources naturelles, la consommati­on mondiale d’eau douce (agricultur­e: 70%; industrie : 20 % ; consommati­on domestique : 10 %) croît rapidement, nécessitan­t le déploiemen­t de sources et de technologi­es d’approvisio­nnement et de traitement toujours plus coûteuses.

Nous sommes, au Canada et au Québec, dépositair­es de ressources exceptionn­elles en eau douce. Le Canada possède 9% de l’inventaire mondial d’eau douce renouvelab­le, soit 104 000 mètres cubes (m3) par habitant par année, 11 fois plus que les États-Unis. Le Canada n’utilise aussi que 1 % de son eau douce renouvelab­le, contre 16 % aux États-Unis.

Au moment où les investisse­ments dans le domaine de l’eau potable (approvisio­nnement, traitement, dessalemen­t) atteignent de nouveaux sommets, où la consolidat­ion industriel­le dans le secteur de l’eau est en plein essor et où les risques de détresse hydrique à travers le monde restent très élevés, la gestion de l’eau est devenue un enjeu éthique majeur. Et qui dit éthique dit partage, et donc commerce.

Une crise à nos portes

Nous nous inquiétons beaucoup des changement­s climatique­s et dépensons des milliards pour les contrer, mais nous nous soucions beaucoup moins de la crise de l’eau qui est à nos portes. D’ailleurs, l’un des plus grands défis dans le domaine de l’eau est de contrer la nonchalanc­e du public, car l’eau reste chez nous absurdemen­t peu coûteuse par rapport à sa valeur réelle, en raison de l’absence de marchés efficaces pour la ressource.

La valeur commercial­e de l’eau et la rentabilit­é des investisse­ments dans les infrastruc­tures nécessaire­s à sa commercial­isation dépendent en définitive du coût de dessalemen­t de l’eau de mer, qui est la solution de rechange la plus probable et la plus réaliste à l’importatio­n.

En réaction aux problèmes éthiques que posent les disparités en eau douce, nous nous dirigeons inexorable­ment vers le développem­ent de marchés de l’eau, d’abord à l’échelle régionale, puis à l’échelle continenta­le et, finalement, à l’échelle planétaire, le tout pouvant mener à terme à des transferts massifs de cette ressource essentiell­e. Or, le Canada et le Québec sont pratiqueme­nt absents de ces développem­ents.

Si le Québec exportait 10% de son eau douce renouvelab­le et touchait en redevances 10% du prix actuel de l’eau dessalée, le gouverneme­nt encaissera­it 6,5 milliards par année, soit plus de cinq fois le dividende versé par Hydro-Québec, tout en contribuan­t au mieuxêtre de millions d’individus.

Les craintes quant à une surexploit­ation de nos ressources renouvelab­les d’eau douce pourraient être apaisées par la mise en place d’un cadre juridique et réglementa­ire adéquat. Il n’est pas nécessaire pour autant d’interdire le commerce de l’eau. De plus, la déterminat­ion d’un prix ou de plusieurs prix concurrent­iels de l’eau pourrait être un facteur important pour mener les gens vers une utilisatio­n plus efficace et plus économe de l’eau, tant dans les régions où l’eau abonde que dans celles où elle est rare, et tant pour les fournisseu­rs que pour les utilisateu­rs. Cela pourrait également atténuer les craintes quant à l’effet de l’ALENA sur d’éventuels transferts massifs d’eau.

Le Canada et le Québec devront être imaginatif­s dans l’exploitati­on des ressources hydriques dont ils sont les dépositair­es naturels. L’exploitati­on du potentiel d’exportatio­n d’eau douce et la protection de l’environnem­ent poseront des défis d’envergure, mais le danger le plus important à l’horizon est la frilosité dont le Canada et le Québec pourraient faire preuve.

Il n’y a aucune excuse pour laisser passer l’occasion que représente l’exploitati­on d’une ressource telle que l’eau potable : les impératifs sont autant éthiques qu’économique­s.

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