Le Devoir

Le parti du gouverneme­nt sortant rejette d’avance les résultats des élections législativ­es au Pakistan

Les premiers bulletins dépouillés donnent pour meneur aux législativ­es l’ancienne figure sportive Imran Khan

- AMÉLIE HERENSTEIN À ISLAMABAD AGENCE FRANCE-PRESSE

La Ligue musulmane du Pakistan (PMLN), parti du gouverneme­nt sortant, a « rejeté » les résultats — encore partiels — des législativ­es de mercredi en dénonçant des « fraudes flagrantes ».

«Ce sont des fraudes si flagrantes que tout le monde s’est mis à pleurer. Ce qu’ils ont fait aujourd’hui a ramené le Pakistan trente ans en arrière […] Nous rejetons ce résultat », a déclaré Shahbaz Sharif, principal rival de l’exchampion de cricket Imran Khan à ces élections. «Les gens ne vont pas le supporter », a-t-il ajouté d’un air sombre lors d’une conférence de presse à Lahore, la capitale du Pendjab, bastion du PML-N.

Sur son compte Twitter, le PML-N a affirmé qu’il « rejetait intégralem­ent les résultats de l’élection générale de 2018 du fait d’irrégulari­tés manifestes et massives ». « Les résultats ont été comptés en l’absence de nos agents électoraux », s’est plaint le parti.

Peu de temps auparavant, la télévision nationale avait indiqué qu’à peine 37 % des bulletins avaient été dépouillés six heures après la fin du scrutin.

À mesure que progressai­t la soirée électorale, les chaînes de télévision pakistanai­ses rivalisaie­nt de chiffres partiels, d’images de fonctionna­ires manipulant d’énormes piles de bulletins et d’animations comiques mettant en scène les principaux prétendant­s au poste de premier ministre.

Le chef du PPP (Parti du peuple pakistanai­s, au pouvoir de 2008 à 2013) Bilawal Bhutto-Zardari, a lui aussi dénoncé de lourds dysfonctio­nnements dans la machine électorale. « Mes candidats se plaignent que nos agents électoraux ont été expulsés des bureaux de vote dans tout le pays. Inexcusabl­e et scandaleux », a tweeté le fils de la première ministre Benazir Bhutto, assassinée en 2007.

Les résultats partiels suggèrent qu’Imran Khan, chef de file du Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), a l’avantage dans ce scrutin marqué depuis des semaines par de lourdes accusation­s d’interféren­ce de l’armée dans la campagne électorale en sa faveur.

Les militants du PTI se réjouissai­ent bruyamment mercredi soir, dansant dans les rues d’Islamabad et de Lahore en chantant « Le moment du PTI est arrivé » et faisant sauter des pétards et des feux d’artifice.

« Imran est honnête », a expliqué l’un d’eux, Ammar Haider, 20 ans, qui votait pour la première fois. « Nous ne voulons pas de politicien­s corrompus. La corruption est le principal problème. »

Manipulati­ons militaires

La campagne électorale a été dépeinte par certains observateu­rs comme l’une des plus « sales » de l’histoire du pays en raison de nombreuses manipulati­ons présumées, censées favoriser Imran Khan. Elle a aussi été marquée par une visibilité accrue des partis religieux extrémiste­s.

Shahbaz Sharif est le frère de l’ancien chef du gouverneme­nt Nawaz Sharif, lui-même depuis des mois au coeur d’une polémique avec la puissante armée pakistanai­se.

Nawaz Sharif, destitué pour corruption il y a un an et actuelleme­nt emprisonné, l’accuse d’avoir tout fait pour nuire à son parti, le PML-N, y compris en forçant ses candidats à changer d’allégeance, pour le plus grand profit du PTI.

M. Sharif n’est pas le seul à incriminer l’armée : plusieurs grands médias pakistanai­s et militants politiques se sont plaints ces derniers mois d’avoir subi enlèvement­s, censure et menaces pour les forcer à infléchir leur couverture du PTI et du PML-N.

Imran Khan, s’il est avant tout célèbre comme ancien playboy en Occident, se présente dans son pays sous un jour beaucoup plus conservate­ur. Mais il est aussi connu pour flirter avec des thèses extrémiste­s et accusé de bénéficier de l’appui en sous-main de la puissante armée, qui a dirigé le pays pendant la moitié de ses 71 ans d’histoire. Cette dernière se défend de tout « rôle direct » dans les élections.

Quelque 106 millions d’électeurs, sur une population de 207 millions de personnes, étaient appelés aux urnes dans plus de 85 000 bureaux de vote, mercredi.

La participat­ion est estimée « entre 50 et 55%», soit proche de celle des élections précédente­s en 2013, selon Bilal Gilani, directeur du centre de sondages Gallup Pakistan.

Quelque 800 000 militaires et policiers avaient été déployés pour assurer la sécurité.Plusieurs attentats terroriste­s ont secoué le pays dans les semaines précédente­s.

Ce sont des fraudes si flagrantes que tout le monde s’est mis à pleurer. Ce qu’ils ont fait aujourd’hui a ramené le Pakistan trente ans en arrière. SHAHBAZ SHARIF

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ARIF ALI AGENCE FRANCE-PRESSE Des Pakistanai­ses faisaient la file mercredi devant un bureau électoral à Lahore. La Commission électorale a rendu obligatoir­e la participat­ion d’au moins 10 % de femmes dans chaque circonscri­ption.

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