Des constructeurs dans le collimateur
La Commission européenne pointe à nouveau des résultats d’émissions de GES falsifiés à la hausse
Des constructeurs automobiles ont artificiellement gonflé leurs émissions de CO2 de référence, espérant ainsi avoir à terme des objectifs moins ambitieux à respecter dans le cadre des nouvelles normes européennes, a confirmé mercredi la Commission européenne.
« Des preuves émergent que les valeurs [d’émissions polluantes] déclarées officiellement par les constructeurs ont pu être gonflées», note la Commission dans un document de recherche transmis à l’AFP par le Conseil international pour des transports propres (ICCT), l’ONG à l’origine des révélations sur le « dieselgate ».
Ces soupçons viennent encore entacher la réputation d’une industrie automobile où, depuis 2015, des géants du secteur sont accusés d’avoir dissimulé le niveau réel de la pollution aux oxydes d’azote (NOx) pour leurs moteurs à diesel ou à essence.
Selon le rapport de la Commission, des constructeurs — jamais nommés par le rapport — ont prétendu cette foisci que certains de leurs véhicules émettaient plus de gaz à effet de serre qu’en réalité. Les industriels tenteraient ainsi d’influencer le niveau acceptable de pollution qui sera adopté pour 2025 ou 2030 dans le cadre des nouvelles mesures harmonisées sur le plan mondial, dites «WLTP». Plus ce niveau est élevé, moins ils auront à faire d’efforts pour les réduire à moyen terme.
« L’étude du JRC [le centre d’études scientifiques de la Commission] montre qu’il y a bien eu des écarts entre les valeurs déclarées et mesurées », a confirmé mercredi Christian Wigand, un porte-parole de la Commission. « Cela fait six mois que nous tentons d’alerter la Commission. Au début, ils étaient en colère et ne voulaient rien entendre, maintenant ils reconnaissent le problème et admettent publiquement que ça leur a échappé », a indiqué à l’AFP Peter Mock, le responsable de l’organisation ICCT.
Mobilité propre
Jusqu’à présent, la réglementation européenne se basait sur des volumes limites d’émission (95 grammes de CO2 par kilomètre). Mais à la suite de l’explosion du scandale « dieselgate », et par souci de ramener discipline et crédibilité dans un secteur automobile européen empêtré dans d’embarrassantes tricheries, l’UE a décidé de reprendre la main sur la question des seuils d’émission de NOx mais aussi de gaz à effet de serre.
La Commission a ainsi lancé en septembre 2017, dans le cadre de son plan « Mobilité propre », un objectif commun de réduction des émissions de CO2, de 30 % d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de –15 % en 2025. Pour mettre en place ce système, qui fait toujours l’objet de négociations, les experts de Bruxelles demandent aux constructeurs de soumettre depuis 2017 leurs véhicules en passe d’être commercialisés aux tests WLTP. « Ces véhicules tests, une fois approuvés, seront mis sur le marché et immatriculés en 2020 et, sans intervention, cela conduira à une hausse des objectifs WLTP de 2021 », indique le rapport européen. Les deux commissaires européens ayant lancé l’alerte disent redouter que ces taux faussés modifient par ricochet les objectifs qui seront fixés pour 2025, puis 2030.
Et signe que les derniers liens de confiance s’étiolent, le rapport encourage les autorités européennes à ne plus baser, même partiellement, leurs calculs sur les valeurs déclarées par les constructeurs. « Ce ne sont que des recommandations et nous n’avons aucune garantie que cela sera véritablement mis en place », déplore M. Mock, de l’organisation ICCT.
Farfelues
Du côté des constructeurs, ces nouvelles révélations sont jugées farfelues. Volkswagen, principal fraudeur dans le « dieselgate », a assuré mercredi dans un communiqué qu’il n’avait aucun intérêt à manipuler ce genre de chiffres à la hausse. « Avec une augmentation artificielle des niveaux de WLTP, nous rendrions nos véhicules moins attractifs pour nos clients », déclare le groupe. « Pour les marques de Volkswagen, il peut être exclu que les valeurs de CO2 mesurées dans le cadre des tests WLTP sont artificiellement gonflées », assure une porte-parole à l’AFP.
Interrogé par l’AFP, l’allemand BMW a assuré « faire tout son possible » pour parvenir à l’objectif ambitieux fixé par l’UE tout en assurant se conformer aux outils de mesures réglementaires. De son côté, le français PSA assure effectuer ces mesures en «toute transparence » sous le contrôle d’organismes tiers indépendants.
Du côté des constructeurs automobiles, ces nouvelles révélations sont jugées farfelues