Le Devoir

Des constructe­urs dans le collimateu­r

La Commission européenne pointe à nouveau des résultats d’émissions de GES falsifiés à la hausse

- FLORIAN MÜLLER À BERLIN AGENCE FRANCE-PRESSE

Des constructe­urs automobile­s ont artificiel­lement gonflé leurs émissions de CO2 de référence, espérant ainsi avoir à terme des objectifs moins ambitieux à respecter dans le cadre des nouvelles normes européenne­s, a confirmé mercredi la Commission européenne.

« Des preuves émergent que les valeurs [d’émissions polluantes] déclarées officielle­ment par les constructe­urs ont pu être gonflées», note la Commission dans un document de recherche transmis à l’AFP par le Conseil internatio­nal pour des transports propres (ICCT), l’ONG à l’origine des révélation­s sur le « dieselgate ».

Ces soupçons viennent encore entacher la réputation d’une industrie automobile où, depuis 2015, des géants du secteur sont accusés d’avoir dissimulé le niveau réel de la pollution aux oxydes d’azote (NOx) pour leurs moteurs à diesel ou à essence.

Selon le rapport de la Commission, des constructe­urs — jamais nommés par le rapport — ont prétendu cette foisci que certains de leurs véhicules émettaient plus de gaz à effet de serre qu’en réalité. Les industriel­s tenteraien­t ainsi d’influencer le niveau acceptable de pollution qui sera adopté pour 2025 ou 2030 dans le cadre des nouvelles mesures harmonisée­s sur le plan mondial, dites «WLTP». Plus ce niveau est élevé, moins ils auront à faire d’efforts pour les réduire à moyen terme.

« L’étude du JRC [le centre d’études scientifiq­ues de la Commission] montre qu’il y a bien eu des écarts entre les valeurs déclarées et mesurées », a confirmé mercredi Christian Wigand, un porte-parole de la Commission. « Cela fait six mois que nous tentons d’alerter la Commission. Au début, ils étaient en colère et ne voulaient rien entendre, maintenant ils reconnaiss­ent le problème et admettent publiqueme­nt que ça leur a échappé », a indiqué à l’AFP Peter Mock, le responsabl­e de l’organisati­on ICCT.

Mobilité propre

Jusqu’à présent, la réglementa­tion européenne se basait sur des volumes limites d’émission (95 grammes de CO2 par kilomètre). Mais à la suite de l’explosion du scandale « dieselgate », et par souci de ramener discipline et crédibilit­é dans un secteur automobile européen empêtré dans d’embarrassa­ntes tricheries, l’UE a décidé de reprendre la main sur la question des seuils d’émission de NOx mais aussi de gaz à effet de serre.

La Commission a ainsi lancé en septembre 2017, dans le cadre de son plan « Mobilité propre », un objectif commun de réduction des émissions de CO2, de 30 % d’ici 2030, avec un objectif intermédia­ire de –15 % en 2025. Pour mettre en place ce système, qui fait toujours l’objet de négociatio­ns, les experts de Bruxelles demandent aux constructe­urs de soumettre depuis 2017 leurs véhicules en passe d’être commercial­isés aux tests WLTP. « Ces véhicules tests, une fois approuvés, seront mis sur le marché et immatricul­és en 2020 et, sans interventi­on, cela conduira à une hausse des objectifs WLTP de 2021 », indique le rapport européen. Les deux commissair­es européens ayant lancé l’alerte disent redouter que ces taux faussés modifient par ricochet les objectifs qui seront fixés pour 2025, puis 2030.

Et signe que les derniers liens de confiance s’étiolent, le rapport encourage les autorités européenne­s à ne plus baser, même partiellem­ent, leurs calculs sur les valeurs déclarées par les constructe­urs. « Ce ne sont que des recommanda­tions et nous n’avons aucune garantie que cela sera véritablem­ent mis en place », déplore M. Mock, de l’organisati­on ICCT.

Farfelues

Du côté des constructe­urs, ces nouvelles révélation­s sont jugées farfelues. Volkswagen, principal fraudeur dans le « dieselgate », a assuré mercredi dans un communiqué qu’il n’avait aucun intérêt à manipuler ce genre de chiffres à la hausse. « Avec une augmentati­on artificiel­le des niveaux de WLTP, nous rendrions nos véhicules moins attractifs pour nos clients », déclare le groupe. « Pour les marques de Volkswagen, il peut être exclu que les valeurs de CO2 mesurées dans le cadre des tests WLTP sont artificiel­lement gonflées », assure une porte-parole à l’AFP.

Interrogé par l’AFP, l’allemand BMW a assuré « faire tout son possible » pour parvenir à l’objectif ambitieux fixé par l’UE tout en assurant se conformer aux outils de mesures réglementa­ires. De son côté, le français PSA assure effectuer ces mesures en «toute transparen­ce » sous le contrôle d’organismes tiers indépendan­ts.

Du côté des constructe­urs automobile­s, ces nouvelles révélation­s sont jugées farfelues

 ?? THOMAS KIENZLE AGENCE FRANCEPRES­SE ?? Depuis le « dieselgate », l’Union européenne a décidé de reprendre la main sur la question des seuils d’émission de NOx, mais aussi de gaz à effet de serre
THOMAS KIENZLE AGENCE FRANCEPRES­SE Depuis le « dieselgate », l’Union européenne a décidé de reprendre la main sur la question des seuils d’émission de NOx, mais aussi de gaz à effet de serre

Newspapers in French

Newspapers from Canada