Le Devoir

La santé publique de Montréal en faveur de la décriminal­isation

- ALEXIS RIOPEL

Après la Ville de Toronto la semaine dernière, c’est maintenant au tour de la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal d’appuyer la décriminal­isation de la consommati­on de toutes les drogues. La mesure pourrait réduire les méfaits et les décès liés aux opioïdes, selon elle.

« On sait que la décriminal­isation est une mesure efficace, qui a été expériment­ée ailleurs dans le monde avec de bons résultats », déclare vendredi au

Devoir la Dre Mylène Drouin, directrice de la DRSP de Montréal.

Si la Dre Drouin appuie la mesure, c’est surtout par solidarité envers ses collègues à Toronto et à Vancouver, où la crise des opioïdes est sévère et la situation, presque désespérée. « Ces villes ont déjà déployé l’ensemble de leur arsenal pour contrôler la crise des opioïdes, mais le problème persiste, explique la Dre Drouin. La situation n’est pas aussi grave à Montréal, il y a encore beaucoup de mesures que nous pouvons mettre en place avant de penser à la décriminal­isation. »

Tout de même, 140 personnes sont mortes à cause d’une intoxicati­on apparente aux drogues dans la métropole québécoise entre le 1er juin 2017 et le 30 juin 2018. À Toronto, on compte 303 décès liés à des surdoses d’opioïdes au cours de l’année 2017.

Dans le cadre d’une décriminal­isation, la consommati­on de drogues demeure interdite, mais n’entraîne pas de sanctions criminelle­s. Toutefois, les contrevena­nts demeurent exposés à des amendes ou à des sanctions administra­tives.

Dans la foulée de Toronto

Lundi, la Commission de la santé publique de Toronto, qui dépend de la municipali­té, se déclarait en faveur de la décriminal­isation des drogues après la lecture d’un rapport produit par la directrice de la santé publique de la ville, Eileen de Villa. Grâce à de nombreuses entrevues avec des acteurs du milieu et à l’analyse d’études indépendan­tes, cette dernière arrivait à la conclusion que la criminalis­ation des drogues pousse les consommate­urs à adopter des comporteme­nts risqués pour échapper aux forces de l’ordre, entraîne le partage de seringues et favorise le développem­ent du crime organisé.

La Dre de Villa insistait aussi sur l’im- portance de considérer les drogues comme un enjeu de santé publique, et non comme un problème de criminalit­é.

Dès l’adoption de leur nouvelle position, les autorités torontoise­s ont lancé un appel à leurs collègues partout au pays afin de trouver des appuis. Le message a bien été entendu à la DRSP de Montréal. « Nous examineron­s la question de la décriminal­isation avec les directions de la santé publique des autres grandes villes canadienne­s, et nous tenterons de développer une position commune, explique la Dre Drouin. Puisque les leviers sont au niveau fédéral, on se doit de travailler dans une perspectiv­e canadienne. »

L’Institut national de la santé publique du Québec, de son côté, ne s’est pas penché sur la question de la décriminal­isation des drogues. L’institut fonctionne par mandats, explique une porteparol­e, et Québec n’a pas commandé d’étude à ce sujet.

La naissance d’un mouvement ?

Tandis que les ravages causés par les opioïdes ne cessent pas, et que l’opinion publique sur les drogues est en pleine évolution, la décriminal­isation fait parler dans plusieurs pays du monde. En mai dernier, le prestigieu­x British

Medical Journal appuyait dans un éditorial la décriminal­isation de toutes les drogues. « La question n’est pas de savoir si la consommati­on de drogues est bonne ou mauvaise, pouvait-on y lire. Notre position, basée sur les faits, s’inscrit plutôt dans une approche de santé publique et a pour objectif de diminuer la violence. »

En entrevue, la Dre Drouin mentionne aussi le cas du Portugal, qui a décriminal­isé toutes les drogues en 2001. À la fin des années 1980, un Portugais sur cent était aux prises avec un problème de dépendance à l’héroïne. « En réduisant la judiciaris­ation, le Portugal a obtenu d’importants gains économique­s, qu’il a ensuite réinvestis dans la réhabilita­tion des personnes aux prises avec des problèmes de dépendance. » « La déjudiciar­isation facilite la réinsertio­n sociale », note-t-elle.

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SPENCER PLATT GETTY IMAGES AGENCE FRANCE-PRESSE 140 personnes sont mortes à cause d’une intoxicati­on apparente aux drogues dans la métropole québécoise entre le 1er juin 2017 et le 30 juin 2018.

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