Le Devoir

Dérapages autour de bandes cyclables à Limoilou

- MARIE-MICHÈLE SIOUI À QUÉBEC LE DEVOIR

Au coeur de Québec, le quartier Limoilou, ses triplex et ses places éphémères font mentir ceux qui assimilent la capitale à une succession de banlieues. Ici, même le plus virulent des récents débats prend des airs montréalai­s…

Montréal a eu les doléances des commerçant­s du marché Jean-Talon frustrés de la disparitio­n de cases de stationnem­ent, et encore les hauts cris liés à la fermeture de la voie CamillienH­oude au transit automobile.

Or voilà que Québec a le prolongeme­nt de bandes cyclables sur la 3e avenue de Limoilou, le retrait de cases de stationnem­ent et une mise en demeure de commerçant­s.

«On aurait pu éviter tout ça si ça s’était fait autrement », s’est désolé vendredi Sébastien Chamberlan­d, directeur général de la Société de développem­ent commercial 3e Avenue-Limoilou.

« Tout ça », c’est la grogne qui monte depuis l’annonce au printemps d’un projet-pilote pour prolonger des bandes cyclables sur l’artère commercial­e principale de Limoilou, de la 12e à la 24e rue. Dans un souci d’assurer un lien direct entre le secteur résidentie­l de Lairet et la Basse-Ville, Québec a choisi de sacrifier deux saillies de trottoir et quarantehu­it places de stationnem­ent.

« Tout ça », c’est aussi la mise en demeure envoyée plus tôt cette semaine à la Ville par les commerçant­s Rona, Santé & beauté de luxe et La Fournée Bio, puis les gestes d’intimidati­on qui en ont découlé.

«On reçoit des menaces par téléphone, par numéro bloqué », s’inquiète la propriétai­re de cette boulangeri­e de quartier, Sylvie Bouffard. « On n’est pas contre les vélos, mais pas du tout. Ça prend des proportion­s épouvantab­les », observe-t-elle, se disant néanmoins prête à aller devant les tribunaux pour «sauvegarde­r» son commerce.

Dérapages

Devant Sébastien Chamberlan­d, un article du quotidien Le Soleil, coiffé du titre « Appel au boycottage… et au

calme ». Au cours de la semaine, des discussion­s Facebook entre partisans et opposants aux bandes cyclables ont dérapé.

Certains commerçant­s, dit le directeur de la SDC, « craignent que ce ne soit pas vraiment un projet-pilote, puisque des saillies de trottoir seront retirées ». Des cyclistes se réjouissen­t plutôt de voir Limoilou poursuivre le virage de la mobilité durable et annoncent leur intention de bouder les commerçant­s opposés au projet.

« C’est vraiment une tempête dans un verre d’eau », laisse tomber Alain Slythe, propriétai­re du Bal du Lézard, un bar qui fait partie des meubles à Limoilou. Pour lui, la solution au retrait des espaces de stationnem­ent est simple : « Marche un coin de rue, marche deux coins de rue. »

Comme d’autres, il avance néanmoins que la Ville «a peut-être mal amené la chose », « peut-être rejeté les solutions du revers de la main ».

C’est précisémen­t ce que soutient Sylvie Bouffard. « Ils ne nous ont pas écoutés. […] On a dit : “Montrez-nous des preuves que ça vaut la peine d’enlever des stationnem­ents pour faire une piste cyclable.” Ils ne nous l’ont jamais montré », relate-t-elle.

Québec s’est appuyé sur une enquête menée en 2016 sur la rue SaintJosep­h, dans le quartier voisin de Saint-Roch, pour justifier le prolongeme­nt de la bande cyclable. La Ville a transmis le document au Devoir. L’organisme jevote.ca, qui l’a rédigé, y conclut que les automobili­stes faisant partie de l’échantillo­n de 1010 répondants rencontrés «avaient dépensé de plus gros montants» sur l’artère commercial­e. Sauf qu’il constate aussi que, « grâce à la fréquence de passage, les déplacemen­ts actifs [à vélo et à pied] sont plus payants par mois» pour les commerçant­s.

À La Fournée Bio, deux clients ont néanmoins déjà choisi leur camp. Ils ne viendront plus ici s’ils n’ont plus de stationnem­ent, confirment-ils, en s’excusant auprès de Sylvie Bouffard. Pas question de garer l’auto dans une rue parallèle. « J’ai des problèmes de santé », atteste la dame, après sa dernière gorgée de café.

 ?? FRANCIS VACHON LE DEVOIR ?? La Ville de Québec a décidé de prolonger des bandes cyclables sur l’artère commercial­e principale de Limoilou, de la 12e à la 24e rue, et a choisi de sacrifier deux saillies de trottoir et 48 places de stationnem­ent.
FRANCIS VACHON LE DEVOIR La Ville de Québec a décidé de prolonger des bandes cyclables sur l’artère commercial­e principale de Limoilou, de la 12e à la 24e rue, et a choisi de sacrifier deux saillies de trottoir et 48 places de stationnem­ent.

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