Le Devoir

La revue XYZ défend sa décision

« C’est aux lecteurs et aux lectrices que revient ainsi le rôle de sanctionne­r le texte », dit le comité de rédaction dans une lettre

- PHILIPPE PAPINEAU LE DEVOIR

À la suite de l’annonce de la démission de la directrice de XYZ. La revue de la

nouvelle, Vanessa Courville, en raison d’un désaccord sur la publicatio­n d’un texte dont la chute suppose une scène d’agression sexuelle, le collectif de rédaction et l’éditeur de la publicatio­n, Jacques Richer, ont défendu leur choix dans une lettre au Devoir (voir page B 8), écorchant au passage Mme Courville.

La nouvelle en question est signée par l’écrivain David Dorais, membre du comité de rédaction, et paraîtra dans le numéro d’août de la revue. L’oeuvre, qui s’inspire du jeu de société

Clue, met en scène le personnage de Mlle Scarlett, qui est poursuivie dans un manoir par les autres personnage­s. Précisant que la nouvelle intitulée

« Qui ? Où ? Avec quoi ? » n’a jamais «décrit» un viol comme le titre du

Devoir le mentionnai­t jeudi, M. Richer et le collectif affirment qu’« elle le suggérait dans ses derniers mots comme une possibilit­é au-delà du texte, et les personnage­s incriminés, qui y sont clairement évoqués comme grotesques, n’y sont nullement héroïsés ».

Si le texte « a fait débat au sein du collectif parce qu’il est dérangeant », les auteurs de la lettre estiment que « c’est aux lecteurs et aux lectrices que revient ainsi le rôle de sanctionne­r le texte. On ne peut sous-estimer le lectorat. »

Après des discussion­s entre Mme Courville et le comité de rédaction, la fin du texte a été modifiée, ce qui n’a pas suffi à convaincre la directrice entrée en poste peu de temps avant. « C’est de la violence gratuite, un viol pur et simple du personnage féminin, alors que les autres observent la scène en silence », a-t-elle raconté jeudi dans nos pages.

Questions de fond

Mais aux yeux de l’éditeur de XYZ. La

revue de la nouvelle, Jacques Richer, « l’intérêt de le publier plutôt que de le retirer du numéro est qu’il soulève des questions importante­s et peut susciter des échanges plus larges : la littératur­e et l’art en général peuvent-ils encore tout dire ? Est-ce qu’ils doivent demeurer un espace de liberté privilégié ? Estce qu’ils devraient redevenir didactique­s comme c’était le cas sous les régimes totalitair­es ? […] Ce sont des questions de fond dont la société dans son ensemble doit pouvoir s’emparer en toute transparen­ce. »

La lettre s’attarde aussi au fait que Vanessa Courville n’était devenue directrice de la rédaction qu’en juin. « En fait, […] elle n’a participé à aucune réunion du collectif, ni rencontré ses membres pour mieux les connaître, membres qu’elle juge pourtant d’emblée d’une manière diffamatoi­re, elle n’a mené aucun numéro à terme, ni exprimé son point de vue sur le numéro 135 alors en préparatio­n, ni participé à un débat démocratiq­ue autour de la nouvelle de M. Dorais. »

Le collectif de rédaction réfute par ailleurs « l’accusation gratuite » de Mme Courville sur un milieu où s’exerce «du machisme ordinaire» et «une culture de boys’club». «Il suffirait d’interroger les femmes de notre collectif pour l’invalider, elles qui participen­t activement aux décisions de la revue, comme ce fut le cas pour la coordinati­on de ce numéro et la sélection des textes. »

Aux yeux de l’éditeur, « l’intérêt de publier le texte plutôt que de le retirer est qu’il soulève des questions importante­s et peut susciter des échanges plus larges »

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