Le Devoir

Société lisse

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Les récents événements qui ont marqué l’actualité culturelle n’augurent rien de bon pour l’avenir de la société. Dans leur poursuite frénétique d’un univers parfait, certaines factions n’hésitent pas à fouler aux pieds des valeurs que les collectivi­tés occidental­es tiennent pour fondamenta­les, voire sacrées : droit à la dissidence, liberté de pen- ser et de parler, droit à la création. Le paradoxe, c’est qu’au nom de revendicat­ions légitimes, on divise au lieu d’unir. Sous prétexte d’inclusion, on exclut. Au motif de favoriser le métissage des cultures, on obtient précisémen­t l’effet inverse par des manifestat­ions, des insultes et des menaces : on relègue chacun dans son ghetto, interdisan­t aux uns de parler des autres. C’est ainsi qu’un Blanc ne peut plus aborder de sujets noirs ou autochtone­s sans risque de lynchage public, qu’un homme ne peut plus parler de viol ou d’agressions sexuelles sans encourir les foudres de quelques féministes enragées, qu’une comédienne hétérosexu­elle ne peut plus jouer le rôle d’un transgenre. Cela heurte, choque et indispose, toutes choses interdites dans un monde qui se veut parfaiteme­nt lisse et irréprocha­ble. Ces dérives, parfaiteme­nt prévisible­s depuis l’avènement de la bienséance politique il y a quelques décennies, sont le plus souvent le fait de minorités qui ont compris que parler haut donne l’illusion du nombre. La majorité, elle, se tait. Elle ne s’aperçoit pas que les dérives des forts en gueule nous mènent tout droit vers un univers étouffant ou le masque d’une condescend­ante bienveilla­nce cache le visage d’un autoritari­sme draconien. François Jobin, écrivain Le 27 juillet 2018

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