Le Devoir

Rousseau aux douanes de l’ennui

Maha Harada signe un roman puéril autour du grand peintre naïf

- Yannick Marcoux

Tout est affaire de faussaires dans ce roman de Maha Harada, La toile du paradis, moulé dans l’univers de l’histoire de l’art. Au coeur des luttes de coulisses pour l’obtention, par les musées, des oeuvres les plus prisées, le récit s’attarde au tableau du Douanier Rousseau Le rêve.

L’auteure japonaise, historienn­e de l’art, a imaginé une toile qui s’apparente au célèbre tableau, mais dont certains détails et le titre, J’ai rêvé, laissent les protagonis­tes perplexes devant son authentici­té. Afin d’élucider la question, Beyler, riche collection­neur suisse détenteur de l’oeuvre, convoque deux spécialist­es de Rousseau : Hayakawa Orie, diplômée de la Sorbonne, polyglotte et brillante, et Tom Brown, sorti de Harvard, qui usurpe l’identité de son supérieur, conservate­ur du MoMA, avec l’espoir de pousser sa carrière. Beyler leur offre sept jours pour résoudre l’énigme: «Je veux que vous déterminie­z s’il s’agit d’un authentiqu­e Rousseau ou d’une contrefaço­n.»

Dans ce récit où seule la médiocrité est authentiqu­e, rien n’est original. Aussi s’enfarge-t-on dans une histoire sans saveur où tout est répété trois fois, au cas où le lecteur serait idiot ou qu’il aurait, entre deux bâillement­s, laissé échapper un élément narratif. Il en va de la trame en italique, rapportant des monologues intérieurs qui ne révèlent rien, sinon la vacuité des personnage­s.

Même la plongée dans l’oeuvre de Rousseau reste en surface, campée dans quelques éléments biographiq­ues, nous faisant douter de l’expertise des spécialist­es. À preuve, le climax avorté où, pour démontrer sa posture, Orie y va de ce plaidoyer laconique: «Il y a dans ce tableau de la passion. Toute la passion du peintre. Je n’ai rien d’autre à dire.» Si cela ne vous convainc pas de la piètre qualité de ce roman, je crains hélas n’avoir rien de plus à dire.

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Maha Harada, traduit du japonais par Claude Michel-Lesne, Éditions Philippe Picquier, Arles, 2018, 320 pages
La toile du paradis ★★ Maha Harada, traduit du japonais par Claude Michel-Lesne, Éditions Philippe Picquier, Arles, 2018, 320 pages

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