Par amour des humains... et des volatiles
« Le chocolat est très chaud. Maman me regarde, elle sourit et demande : —Tuteréjouis?
— Oui, mais j’ai sommeil.
— Il est tôt. Le jour n’est pas encore levé. »
Qu’à cela ne tienne, Mathias se prépare à vivre une expérience nouvelle en accompagnant le voisin à son travail.
«Dans la voiture de Jonas, il y a de la musique et de la chaleur. On roule vite, nos phares déchirent la nuit, on dirait qu’on s’enfuit.
— Mais c’est quoi exactement ton métier ?
— C’est de faire peur aux oiseaux. — C’est pas un métier, ça.
— Si, si, tu verras. »
Dans un texte d’une infinie douceur, l’auteure suisse Sylvie Neeman explore les rouages d’un métier peu connu, mais utile à l’homme et aux oiseaux. Installé tout au bout d’une piste de décollage, sous le regard ébahi de Mathias, l’homme qui faisait peur aux oiseaux agit pour le bien des humains, mais beaucoup par amour pour les volatiles.
À l’aide d’un effaroucheur laser, il tire pour les éloigner et éviter ainsi qu’ils s’embourbent dans les réacteurs d’avion. Avec une grande sensibilité, l’auteure de La mer est ronde trace tout en délicatesse l’importance que l’homme accorde à son travail, l’attachement qu’il éprouve envers les oiseaux, mais aussi la complicité qu’il entretient avec son petit voisin, orphelin de père.
À ce texte saisissant de beauté, écrit avec finesse et intelligence, se joignent les illustrations évocatrices de Pierre Pratt. Avec ses lignes obliques, son trait franc, fait de hachures, de contrastes saisissants entre la nuit bleue et les éclats de lumière, avec ses personnages aux traits imparfaits, Pratt poétise le réel, nous l’offrant sous un angle singulier, plus grand que nature.
Ses perspectives variables invitent ainsi l’oeil à regarder là où il faut pour saisir l’instant, et plus encore pour prendre part aux scènes qui nous sont présentées. Fameux.