Le Devoir

Les sondeurs perdent leur organisme de régulation

Il faudra vite combler le vide, disent les principaux joueurs

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

La campagne électorale québécoise se déroulera dans un contexte particulie­r pour l’industrie du sondage : l’organisme qui établissai­t les règles à respecter pour les firmes a cessé abruptemen­t ses opérations au début du mois. Un vide qui devra vite être comblé, estiment les principaux joueurs.

« C’est vraiment l’Associatio­n de la recherche et de l’intelligen­ce marketing [ARIM, ou MRIA en anglais] qui établissai­t les standards dans l’industrie, indique Jean-Marc Léger, président de Léger 360. C’est sûr que sa disparitio­n a un impact. On arrive en élections avec un organisme de contrôle qui n’est plus là. »

« Tous les pays développés ont une associatio­n de sondeurs, dit pour sa part Claire Durand, sociologue spécialist­e des sondages. Ces associatio­ns jouent toutes un rôle de régulateur pour s’assurer que n’importe qui ne peut pas se proclamer sondeur. »

Elle ajoute que dans une industrie qui vit de grands changement­s méthodolog­iques (entre les sondages téléphoniq­ues, menés en ligne ou par appels robotisés, etc.), « les associatio­ns de régulation obligent les firmes à beaucoup plus de transparen­ce ».

L’annonce de la fermeture de l’ARIM s’est faite à la fin juillet, et à la surprise générale de ses membres : ceux-ci ignoraient que l’organisme éprouvait des ennuis financiers importants. « L’associatio­n faisait un bon travail sur les standards, la formation et les accréditat­ions », soutient M. Léger.

Selon lui, la présence de l’ARIM permettait de vérifier la qualité des questions posées, la traduction de celles-ci, l’échantillo­nnage, la méthodolog­ie, l’analyse : tout, en gros, pour juger de la valeur d’un sondage. L’ARIM décernait notamment aux firmes une certificat­ion « Gold Seal » qui démontrait aux clients et au public le sérieux de l’entreprise impliquée — il n’était toutefois pas obligatoir­e d’être membre de l’ARIM pour faire un sondage.

C’est aussi auprès de cet organisme que le public pouvait se plaindre au sujet de sondages jugés tendancieu­x ou non valides. L’ARIM avait d’ailleurs commandé récemment une enquête détaillée au sujet des sondages étonnants de la firme Marketstre­et durant les élections municipale­s de Calgary en 2017 : le rapport, jugé «impression­nant» par Claire Durand, faisait quelque 70 pages et soulignait plusieurs failles dans ce cafouillag­e.

Nouvel organisme

Les présidents de sept grandes firmes de sondage canadienne­s (Léger, Ipsos, Ekos, Environics, Nanos, CRA et CRC) ont réagi à la disparitio­n de l’ARIM en annonçant leur intention de créer rapidement un nouvel organisme de contrôle.

« Des mesures immédiates doivent être prises pour soutenir les standards de notre industrie et le processus de certificat­ion qui garantit que les sondages menés au Canada » respectent les règles habituelle­s, avait alors indiqué Don Mills, président de CRA Research Associates. « Ce qui est une mauvaise nouvelle pourrait en devenir une bonne, pense JeanMarc Léger : nous pourrons établir de nouvelles normes. »

L’ARIM regroupait également des chercheurs, qui constatent eux aussi que l’industrie se retrouve aujourd’hui sans « leadership concernant les standards de pratique, l’éthique, les arbitrages ». Ces profession­nels se sont regroupés au sein d’un groupe (MRIA Transition Taskforce) en attendant la suite des événements.

On arrive en élections avec un organisme de contrôle qui n’est plus là JEAN-MARC LÉGER

Newspapers in French

Newspapers from Canada