Le Devoir

Que François Legault se lève !

- JEAN-ROBERT SANSFAÇON

Il n’autorisa pas la constructi­on du parc d’éoliennes Apuiat sur la Côte-Nord, mais se dit prêt à relancer la constructi­on de grands barrages. Il s’engage à rétablir le tarif uniforme dans les garderies subvention­nées, mais l’une de ses candidates vedettes privilégie pourtant la formule des garderies privées. Il promet d’améliorer les systèmes de santé et d’éducation, mais fait une priorité de la lutte contre « le gaspillage » en réduisant la taille de la fonction publique ; il entend récupérer un milliard dans la rémunérati­on des spécialist­es, mais jure de s’attaquer au temps d’attente aux urgences et en salle d’opération.

Il réduira de 20 % le nombre de nouveaux arrivants et leur imposera un test des valeurs et un test linguistiq­ue, mais tous ces nouveaux immigrants seront beaucoup mieux intégrés, c’est sûr. Il accueille dans ses rangs des candidats libertarie­ns, mais il adhère à des principes de gauche, comme l’interdicti­on des disparités de traitement dans les convention­s collective­s. Il respectera l’Accord de Paris et améliorera le transport en commun, mais il appuie à peu près tous les projets autoroutie­rs, y compris la constructi­on d’un troisième lien pour Québec. Qui est-ce ? En créant la Coalition avenir Québec (CAQ) sur les restants de l’ADQ, en 2011, François Legault disait s’engager pour dix ans. Dix ans pour devenir premier ministre. À quelques semaines des élections, les sondages lui accordent une avance sur ses adversaire­s, ce qui justifie qu’on lui porte plus d’attention.

En fin de semaine dernière, le président de la campagne libérale, Alexandre Taillefer, affirmait que l’élection de M. Legault menacerait la paix sociale. « Fin des commission­s scolaires », « coupes massives dans la fonction publique », « privatisat­ion de plusieurs services publics », « affronteme­nts entre syndicats et gouverneme­nt », François Legault est « l’éléphant dans un magasin de porcelaine », de résumer M. Taillefer. Vraiment ? Le problème, c’est que nous n’en savons rien.

Alors, que le vrai François Legault se lève ! Est-il toujours ce politicien plutôt à gauche qui fut ministre dans un gouverneme­nt social-démocrate, ou celui qui a promis de soumettre les enseignant­s à une évaluation de compétence en échange d’une bonificati­on salariale ? Celui qui veut relancer la constructi­on des grands barrages malgré les surplus d’électricit­é ou celui qui veut favoriser le développem­ent régional en élargissan­t le mandat d’Investisse­ment Québec ?

Comment cet ancien indépendan­tiste se comportera-t-il devant Ottawa, lui qui rejette toute allusion à la souveraine­té, mais qui sait bien que le Québec n’a jamais rien obtenu du fédéral sans y mettre la pression ?

Dans des publicités d’avant-campagne financées par un mouvement syndical, on présente François Legault et Philippe Couillard comme étant les deux faces d’une même figure. Pour le moment, difficile de prétendre le contraire. Mais les libéraux sont au pouvoir depuis si longtemps et leur bilan est si contesté que l’ambivalenc­e idéologiqu­e de François Legault permet aux électeurs indécis de retenir leur souffle et leur choix définitif jusqu’au jour du vote.

Entre-temps, il y aura campagne électorale. Trente-neuf longues journées pendant lesquelles tout peut arriver. On se rappellera qu’en septembre 2002, l’ADQ de Mario Dumont était perçue comme la solution de remplaceme­nt au gouverneme­nt du Parti québécois par 40 % des électeurs sondés. Sept mois plus tard, les libéraux de Jean Charest prenaient le pouvoir. En 2007, alors que les sondages reléguaien­t l’ADQ au troisième rang, elle devenait l’opposition officielle avec 40 députés devant un gouverneme­nt libéral minoritair­e.

En février 2014, trois mois avant les élections, Pauline Marois et le PQ récoltaien­t 40 % dans les sondages contre 34 % pour Philippe Couillard, qui a pourtant réussi à faire élire un gouverneme­nt majoritair­e. Le dernier sondage Léger-Le Devoir, réalisé à la mi-juin, plaçait la CAQ en zone majoritair­e à 37 % contre 28 % pour le PLQ et 19 % pour le PQ. À presque quatre mois des élections, rien n’était joué, mais M. Legault a été omniprésen­t cet été, contrairem­ent à Jean-François Lisée et Manon Massé. Cette élection est celle de la dernière chance, pour lui.

Quant au premier ministre et à ses ministres, ils n’ont pas raté une occasion de publiciser des dizaines d’engagement­s financiers à long terme qui ne pourront certaineme­nt pas tous se concrétise­r advenant l’élection d’une autre formation. Après tout, il faudra bien sabrer quelque part pour réaliser la tonne d’autres engagement­s supplément­aires qui seront pris par les partis d’ici le 1er octobre. Surtout si l’objectif est de réduire les impôts, comme François Legault s’y est engagé.

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