Si le ridicule tuait…
Henri Jeanson a déjà affirmé : « En France, le ridicule ne tue pas. On en vit. »
Quand je regarde la scène politique canadienne, québécoise et montréalaise, je dois dire que j’hésite entre le rire un peu jaune et le désenchantement total. Je me dis aussi que si le ridicule tuait, les cadavres seraient nombreux, réels ou symboliques.
Au Québec, ça fait plus d’un an que la campagne électorale bat son plein. Et ne voilà-t-il pas que le premier ministre Couillard nous annonce que la campagne électorale va durer une semaine de plus, tout en maintenant la date prévue pour les élections ! Les libéraux espèrent que Legault et les caquistes vont trébucher.
Qui plus est, on nous promet une campagne respectueuse et civilisée. Ça fait pourtant plus d’un an que les insultes et accusations cassent les oreilles et l’intelligence des citoyens.
Le concept de désenchantement est un concept sociologique essentiel. Le sociologue Max Weber a été l’un des premiers à en faire un des fondements de ses analyses sociales et culturelles. Depuis très longtemps, je me demande si les politiciens et les dirigeants perçoivent bien le désenchantement actuel. On préfère parler de cynisme, comme s’il s’agissait d’une petite tare individuelle, éphémère, momentanée.
Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau s’est fait élire en exploitant un discours politiquement et idéologiquement correct, parfois un peu gnangnan. Avec un angélisme déconcertant, il nous a annoncé que les Autochtones seraient plus respectés, que les femmes verraient leur sort s’améliorer, que la planète serait protégée contre les menaçants changements climatiques et que la classe moyenne connaîtrait une prospérité renversante. Où, donc, sont les résultats ?
À Montréal, de nombreuses personnes, dont je suis, ont voté pour Projet Montréal et Valérie Plante, en espérant des lendemains plus progressistes, cela étant dit même si nous savons que le mot « progressisme » n’a plus une signification très claire. Dans mon cercle, assez vaste, d’amis et connaissances, madame Plante est déjà considérée comme étant très « désenchantante ». Il va peut-être falloir qu’on lui laisse encore une petite chance, comme à toutes les coureuses ou à tous les coureurs…
Si je reparle un peu de la scène provinciale, je pense que si jamais la CAQ était élue, la situation rappellerait un peu la situation française, avec l’irruption de Macron et d’un tout nouveau parti, appelé « La République en marche » (LREM). Comme en France, les deux vieux partis seraient éventuellement plus ou moins tassés, de manière provisoire ou plus durable. Quant à l’autre parti, Québec solidaire, il est victime de certaines ambiguïtés, particulièrement en ce qui concerne la question islamiste et un angélisme parfois déconcertant.
Je pense, malgré mes commentaires désabusés, que certains « représentants du peuple » sont dévoués et travaillent souvent très fort. Mais cela ne m’empêche pas de penser que « les élites » ne semblent pas bien percevoir le désenchantement populaire et un certain sentiment d’urgence (je pense, notamment, aux changements climatiques).
Je termine en disant qu’en cette période historique, assez particulière, il faudrait que le ridicule ne l’emporte pas et que les politiciens soient davantage « connectés »… Jean-Serge Baribeau, sociologue Montréal, le 13 août 2018