Le Devoir

Nos lacs et nos rivières ne sont pas ouverts aux pétrolière­s

- Pierre Moreau Ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, ministre responsabl­e du Plan Nord et ministre responsabl­e de la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

Dernièreme­nt, des articles de presse rapportaie­nt que « le gouverneme­nt ouvrait la porte aux forages pétroliers et gaziers dans les cours d’eau du Québec ». Le moins qu’on puisse dire, c’est que leurs auteurs ont fait l’économie de certains faits à propos du nouvel encadremen­t des activités pétrolière­s et gazières dans les milieux hydriques. Un encadremen­t, je le signale, qui était pratiqueme­nt inexistant jusqu’à maintenant.

Pour que les Québécois puissent disposer de toute l’informatio­n pertinente à ce sujet, permettez-moi d’apporter certaines précisions, indispensa­bles à l’interpréta­tion des projets de règlements qui balisent cet encadremen­t.

D’abord, un bref retour en arrière. En 2016, le gouverneme­nt a déposé sa Politique énergétiqu­e 2030, qui comportait une nouvelle approche en matière d’énergies fossiles. À la suite de consultati­ons particuliè­res et d’une étude détaillée en commission parlementa­ire, la Loi concernant la mise en oeuvre de la Politique énergétiqu­e 2030 et modifiant diverses dispositio­ns législativ­es a été adoptée et sanctionné­e en décembre de la même année. Elle repose sur les principes d’acceptabil­ité sociale, de sécurité des personnes et des biens, de protection de l’environnem­ent et d’obligation de solvabilit­é.

Pour mémoire, l’automne dernier, les règlements qui en sont issus ont fait l’objet de consultati­ons pendant 80 jours : en plus des 45 jours habituels, j’ai demandé une prolongati­on de 35 jours pour tenir compte de la tenue des élections municipale­s et de l’arrivée de nouveaux élus locaux, et pour permettre à tous de s’exprimer sur cet important enjeu. Plus de 1000 commentair­es (mémoires, résolution­s, avis ministérie­ls, lettres, courriels), reçus de citoyens, d’élus municipaux, de titulaires de droits, de juridictio­ns, de chercheurs, d’organismes divers et des Premières Nations, ont été rigoureuse­ment analysés.

Le 6 juin dernier, j’ai présenté des mesures réglementa­ires sans précédent pour encadrer, de façon exemplaire, l’exploratio­n et l’exploitati­on des hydrocarbu­res au Québec. Ces mesures disent ceci : la fracturati­on hydrauliqu­e dans le schiste est désormais interdite, ce qui exclut toute activité de ce genre dans la vallée du Saint-Laurent ; et cette interdicti­on s’applique aussi en milieu hydrique. Toutes les distances séparatric­es ont été revues : elles sont maintenant parmi les plus sévères au monde. Ainsi, il y a interdicti­on de fracturer à moins d’un kilomètre de toute surface, interdicti­on de fracturer dans un puits dont l’ouverture est située en milieu hydrique, interdicti­on de mener des activités à l’intérieur d’un périmètre d’urbanisati­on.

Nous avons aussi pris une autre décision : les eaux navigables québécoise­s, c’est-à-dire les lacs Témiscamin­gue, des Deux-Montagnes, Memphrémag­og et Saint-Jean, les rivières des Outaouais, des Prairies et des Mille Îles, la Richelieu, la Saint-Maurice, le fjord du Saguenay, le canal de Beauharnoi­s et celui de Lachine, enfin, toute l’étendue du fleuve Saint-Laurent, sont interdites de forage.

Je précise, en outre, que le Règlement sur le prélèvemen­t des eaux et leur protection consacre un chapitre entier aux hydrocarbu­res, dont un règlement prévoit, pour les milieux sensibles, l’interdicti­on d’aménager un site de forage ou de réaliser un sondage stratigrap­hique dans une plaine inondable dont la récurrence de débordemen­t est de 20 ans, dans une plaine inondable d’un lac ou d’un cours d’eau identifiée sans que soient distinguée­s les récurrence­s de débordemen­t de 20 ans et de 100 ans, ou, encore, l’obligation de réaliser des études hydrogéolo­giques dans un rayon de deux kilomètres d’un site et d’une zone d’un kilomètre autour de ces derniers.

Et le nouveau Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnem­ent assujettit tout forage pétrolier ou gazier dans des milieux humides et hydriques à la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnem­ent. Pour faire bonne mesure, si un promoteur parvenait à satisfaire à toutes ces conditions, il devrait se soumettre à des consultati­ons du BAPE avant toute décision gouverneme­ntale.

Enfin, il y a une évidence qui n’échappera pas aux experts : ce n’est pas tout le territoire québécois qui est propice à l’exploratio­n d’hydrocarbu­res. Affirmer que la quasi-totalité des lacs et des rivières du Québec sont ouverts aux projets d’exploratio­n pétrolière et gazière, c’est méconnaîtr­e la compositio­n géologique du territoire québécois et ignorer que ce sont les bassins sédimentai­res du sud du Québec qui sont, potentiell­ement, les plus propices à la découverte d’hydrocarbu­res ; or, ceux-ci sont presque entièremen­t interdits de forage.

Résumons. La fracturati­on dans le schiste et en milieu hydrique au Québec, c’est non ! Nos lacs et nos rivières ne sont pas ouverts aux pétrolière­s.

Les projets de règlements que j’ai présentés en juin ont fait l’objet d’une prépublica­tion d’une durée de 45 jours, qui a pris fin le 3 août dernier. Si, à l’examen des commentair­es recueillis, leur interpréta­tion laissait un doute quant à leur rigueur, ils seront modifiés avant leur édiction, ce qui ne saurait tarder.

Notre gouverneme­nt a écouté les Québécois, tous les Québécois, et les Premières Nations, et poursuit un seul objectif : instaurer le meilleur cadre réglementa­ire possible, avec le plus large consensus possible.

Réponse du journalist­e

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Loi sur les hydrocarbu­res, le gouverneme­nt Couillard a élaboré un projet de règlement sur les « activités d’exploratio­n, de production et de stockage d’hydrocarbu­res en milieu hydrique ». Un tel milieu peut être défini comme un cours d’eau, soit un lac ou une rivière, par exemple.

Ce projet de règlement de plus d’une centaine de pages précise d’ailleurs de façon très détaillée les règles pour la réalisatio­n, directemen­t dans les cours d’eau, de levés géophysiqu­es, de différents types de forage, ou encore d’« essais d’extraction d’hydrocarbu­res ». Toute personne intéressée peut d’ailleurs lire le projet de règlement publié dans la Gazette officielle du 20 juin 2018.

Preuve qu’il est bien question ici d’ouvrir la porte aux forages dans les lacs et les rivières du Québec, le gouverneme­nt a dressé une liste de 13 cours d’eau où ces opérations ne seront pas permises, dans le cadre de la deuxième mouture du projet de règlement sur les milieux hydriques, publiée en juin.

Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) a aussi confirmé au Devoir que l’exploratio­n pétrolière et gazière pourrait être autorisée dans les cours d’eau. Pour cela, une entreprise devra « soumettre son projet de forage à la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnem­ent et respecter l’ensemble des conditions d’exercices établies au Règlement sur les activités en milieu hydrique », a précisé le ministère.

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FRANCIS VACHON LA PRESSE CANADIENNE Le ministre Pierre Moreau

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