Le Devoir

Vers des hausses salariales prudentes

Les employeurs accordent de plus en plus d’importance à d’autres éléments — comme des horaires flexibles — pour attirer et retenir les travailleu­rs, affirme une enquête de la firme Morneau Shepell

- ÉRIC DESROSIERS

De plus en plus aux prises avec la rareté de main-d’oeuvre, les entreprise­s canadienne­s resteront malgré tout « circonspec­tes » dans leurs augmentati­ons salariales, mais feront aussi plus attention à d’autres facteurs, comme la conciliati­on travail-famille, la formation continue et la santé mentale, révèle une enquête.

Les employeurs canadiens prévoient des augmentati­ons salariales moyennes de 2,6 % cette année et en 2019, a rapporté mardi la firme de consultant­s Morneau Shepell à la suite de son enquête annuelle sur les tendances en ressources humaines. Ces hausses seraient équivalent­es à l’inflation actuelle, puis à peine plus élevées, la Banque du Canada prévoyant un retour graduel de l’inflation moyenne à 2% d’ici la seconde moitié de l’an prochain.

Malgré la bonne tenue de l’économie, des profits en hausse et un taux de chômage à son plus bas en 40 ans, « les employeurs restent tout de même circonspec­ts quant aux augmentati­ons salariales, a constaté dans un communiqué Anand Parsan, vice-président, Servicesco­nseils en rémunérati­on chez Morneau Shepell. Peut-être parce qu’ils craignent un plus grand protection­nisme commercial, une hausse des taux d’intérêt et une économie canadienne qui fonctionne pratiqueme­nt au maximum de sa capacité. »

Les tendances ne sont pas tellement différente­s entre la Colombie-Britanniqu­e, où la rareté de main-d’oeuvre est particuliè­rement sévère (hausses sala- riales moyennes de 2,8 % en 2019), et le Québec (2,6 %), l’Ontario (2,5 %) ou les autres provinces canadienne­s (de 2,3 % à 2,7 %).

Les écarts sont plus grands entre les secteurs où les augmentati­ons seront les plus faibles, comme ceux de l’informatio­n et de la culture (1,5 %) ou de la santé et des services sociaux (1,7 %), et les secteurs qui offriront les plus fortes hausses, comme les services immobilier­s (3,8 %), les services profession­nels, scientifiq­ues et techniques (3 %) ou les services d’éducation (3 %). Mais les employeurs dans ces derniers secteurs « font peut-être du rattrapage après avoir accordé des augmentati­ons inférieure­s à la moyenne au cours des dernières années », explique Morneau Shepell.

Les employeurs canadiens ont pourtant « plus de difficulté que jamais à attirer, à retenir et à motiver leurs employés», rapporte Anand Parsan. Le taux de roulement de leur personnel compte aussi parmi leurs plus grandes préoccupat­ions. «Puisque les fonds qu’ils peuvent consacrer aux augmentati­ons salariales sont limités », ils accordent de plus en plus d’importance à des « éléments incorporel­s, comme les horaires flexibles, la santé et le mieuxêtre [notamment mental], l’accompagne­ment et le mentorat, les possibilit­és d’apprentiss­age et d’avancement, et les programmes de reconnaiss­ance particulie­rs » pour ne pas perdre « la guerre du recrutemen­t ».

Tendance lourde

Les économies des pays développés ont beau avoir retrouvé leur allant avec, notamment, des niveaux d’emploi égaux, sinon supérieurs, à ceux d’avant la Grande Récession de 2008, l’augmentati­on des salaires n’y a toujours pas repris le rythme d’antan, rapportait le mois dernier une étude de l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE).

Ni plus ni moins sévère au Canada, cette stagnation de la rémunérati­on frappe particuliè­rement les travailleu­rs qui étaient déjà les moins payés et serait attribuabl­e à trois facteurs : le faible niveau d’inflation, un ralentisse­ment marqué de la productivi­té et l’accroissem­ent des emplois à bas salaires. L’OCDE en appelait, dans cette étude, à l’améliorati­on de l’éducation et de la formation continue tout en déplorant la réduction de la couverture des programmes d’assurance-emploi et le recul des syndicats.

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DARRYL DYCK LA PRESSE CANADIENNE Les employeurs canadiens prévoient des augmentati­ons salariales moyennes de 2,6 % cette année et en 2019.

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