Le Devoir

Hydro-Québec négociera mercredi avec les Innus

Selon un expert, le projet éolien Apuiat n’est pas pertinent

- MARTIN LEBLANC LA PRESSE CANADIENNE

Les négociatio­ns reprendron­t mercredi entre Hydro-Québec et la nation innue à propos du controvers­é projet éolien Apuiat, sur la Côte-Nord.

Le président-directeur général de la société d’État, Éric Martel, confirme que cette rencontre, avec ceux qu’il qualifie de partenaire­s de longue date, visera à trouver des pistes de solution pour que ce projet de 200 mégawatts soit structuran­t et rassembleu­r.

Les communauté­s de la nation innue affirment quant à elles que la réalisatio­n d’Apuiat est une occasion de réconcilia­tion historique entre le gouverneme­nt du Québec, Hydro-Québec et les Innus. Leurs représenta­nts disent vouloir réaliser ce projet pour créer près de 400 emplois sur la Côte-Nord et dans des régions comme la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent, là où les compétence­s de l’industrie éolienne se concentren­t. Seulement une quinzaine de ces emplois demeurerai­ent après la mise en place des installati­ons.

Lundi après-midi, le conseil d’administra­tion d’Hydro-Québec s’est réuni à Montréal afin de faire le point sur les événements mouvementé­s des derniers jours. Le président du conseil, Michael Penner, a indiqué que le conseil avait exprimé son appui à la direction dans sa poursuite d’un dialogue ouvert et constructi­f avec la nation innue.

Éric Martel a récemment remis en question la pertinence du projet Apuiat, tant sur le plan financier que sur le plan énergétiqu­e, affirmant que la société d’État devait déjà composer avec d’importants surplus d’électricit­é.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, s’est alors rangé derrière M. Martel. Il a dit avoir confiance que même les citoyens de la Côte-Nord, qui vont peut-être se voir privés d’un projet à court terme, vont comprendre qu’on ne peut se permettre 1,5 milliard de pertes chez Hydro- Québec pour créer des emplois.

Le communiqué diffusé mardi par les communauté­s innues stipule que « la soidisant perte de 1,5 milliard demeure inexpliqué­e par Hydro-Québec ». Les Innus ajoutent vouloir réaliser Apuiat sans impact sur la facture des consommate­urs.

L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) s’en prend pour sa part directemen­t à l’aspirant premier ministre caquiste.

«L’APNQL croit que tout parti politique qui exclut les Premières Nations de l’économie du Québec fait fausse route, a déclaré le chef Ghislain Picard. La position de la Coalition avenir Québec dans ce projet énergétiqu­e, qui est dans la mire de la nation innue depuis plusieurs années, ne peut donner de meilleures indication­s sur la place qu’occuperaie­nt les enjeux des Premières Nations sous un gouverneme­nt de la CAQ. »

En entrevue avec La Presse canadienne, Ghislain Picard a laissé entendre que « l’électorat autochtone » aura plus tendance à être favorable aux partis politiques qui veulent les impliquer qu’à ceux qui s’inscrivent à contre-courant, comme cela semble être le cas pour la Coalition avenir Québec.

Lundi, à Sept-Îles, François Legault a annoncé qu’il n’approuvera­it pas le projet s’il est élu premier ministre aux élections du 1er octobre prochain.

De son côté, le premier ministre Philippe Couillard a réaffirmé que ce projet de parc éolien était incontourn­able. Son ministre des Ressources naturelles, Pierre Moreau, a précisé que le projet pouvait se réaliser sans aucun impact sur les tarifs payés par les Québécois.

Mardi, le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand, a dit tenir à la réalisatio­n du plan gouverneme­ntal. Celui qui est aussi ministre responsabl­e de la région de la Côte-Nord ajoute que, puisque la politique énergétiqu­e 2030 du gouverneme­nt du Québec ne prévoit aucune constructi­on de barrage, « il faudra avoir d’autres types d’activités ».

Pas le meilleur projet, dit un expert

Le titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, PierreOliv­ier Pineau, soutient que, sur le plan énergétiqu­e, ce projet n’est pas pertinent. Le professeur Pineau stipule que le Québec n’a tout simplement pas besoin de cette énergie éolienne actuelleme­nt.

« Il faudrait le remettre [le projet] à plus tard et trouver d’autres options pour faire du développem­ent régional, ajoute-t-il. Ce n’est pas forcément en construisa­nt des éoliennes que l’on répond le mieux à ces besoins de développem­ent régional. »

Pierre-Olivier Pineau soutient que ce débat aurait dû avoir lieu il y a longtemps, puisque c’est en 2006 que Québec a fait connaître son intention de produire 4000 mégawatts d’électricit­é à l’aide du vent. Encore là, il demeure aussi catégoriqu­e.

« La réponse aurait dû être non, nous ne voulons pas continuer à faire du développem­ent éolien alors que nous n’en avons pas besoin », a déclaré l’expert.

M. Pineau conclut que l’idée n’est pas de laisser les régions et les Innus en plan. Il dit seulement qu’aucune analyse ne prouve qu’Apuiat est le meilleur projet.

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