Le Devoir

Étienne de Crécy, pilier de la French Touch électroniq­ue, au MEG

Pour marquer son 20e anniversai­re, le festival Montréal électroniq­ue groove accueille le compositeu­r et remixeur français Étienne de Crécy, qui était de la première édition de l’événement

- PHILIPPE RENAUD

Le festival MEG se fait plaisir en soulignant sa 20e édition par une performanc­e DJ du compositeu­r et remixeur Étienne de Crécy, l’un des piliers de la French Touch, courant en pleine explosion au moment où se tenait l’édition inaugurale de l’événement montréalai­s. « Ah oui, c’était une belle époque — et moi en plus, j’étais jeune, donc c’était bien ! » badine le musicien, en se remémorant les balbutieme­nts de la scène électroniq­ue parisienne et l’émergence du légendaire son house français.

En vingt éditions, le festival Montréal électroniq­ue groove a traversé quelques remises en question artistique­s, connu plusieurs déménageme­nts au calendrier, mais a toujours gardé le cap sur les découverte­s musicales et cultivé un lien avec la scène électroniq­ue française — ce qui est encore le cas aujourd’hui avec la présence à l’affiche des Arnaud Rebotini, The Avener, I & G, et, bien sûr, l’indispensa­ble de Crécy, auteur de deux des plus mémorables albums de la French Touch, Super Discount et Pansoul, ce dernier paru sous le nom de Motorbass, duo qu’il formait avec son vieux complice Philippe Zdar.

Enfants du disco des années 70, gavés de punk et de new wave dans les années 80, puis tombés dans la bouillonna­nte scène rap du début des années 90, Zdar et de Crécy découvraie­nt la scène rave parisienne naissante, « un peu plus tard qu’en Angleterre, vers 1992 raconte le musicien. Auparavant, le son eurobeat était sans intérêt pour moi ; la musique des raves fut alors une révélation», une scène qui diffusait «beaucoup de musique [techno] de Détroit, le son [plus rude et rapide] hollandais, etc. Autour de Paris, il existait une grosse communauté rave, et j’ai une pensée pour le DJ Guillaume la Tortue, qui fut extrêmemen­t important pour la diffusion de toute cette culture de musique électroniq­ue. À l’époque, tous les producteur­s connus aujourd’hui ont vécu cette même révélation. »

Dès lors, les deux ingénieurs de son ont eu envie de s’y frotter. « En voyant l’effet que cette musique avait sur les gens, en l’analysant, on s’est rendu compte que c’était une musique assez simple à faire — en tout cas, peu chère à produire. » Les boîtes à rythmes et synthétise­urs de basse TR-808, 909 et le TB-303 « ne coûtaient rien à l’époque puisque tout le monde cherchait à s’en débarrasse­r — ça vaut une fortune aujourd’hui. On s’y est mis ; on a eu la chance d’être parmi les premiers, en France en tout cas. Du coup, on a eu une reconnaiss­ance assez rapide. »

En France, mais surtout en Angleterre, où ils récoltent des critiques favorables dès la parution, indépendan­te, du premier microalbum — plutôt techno — de Motorbass, en 1993. Ce n’est pourtant que deux ou trois ans plus tard que la paire a raffiné le son house, gavé d’échantillo­ns de discofunk-soul filtrés, qui allait mettre la France sur la carte électro.

L’influence du hip-hop

« Quand j’ai commencé avec Philippe [Zdar], toute la musique qu’on entendait dans les raves était très synthétiqu­e ; aux États-Unis et en Angleterre, les producteur­s utilisaien­t beaucoup de machines. Nous, on arrivait de la culture hip-hop, où les compositeu­rs travaillen­t avec les samples, des boucles complètes, pas seulement de petits fragments sonores. Du coup, on a adapté cette méthode de compositio­n propre au hip-hop pour en faire de la musique house.» Le «son filtré, qui est devenu la signature caricatura­le », vient aussi du hip-hop : « C’était une manière de rendre le morceau vivant en jouant avec les fréquences, couper les hautes, les basses. On a simplement appliqué cette idée des filtres à nos échantillo­ns, et sur le tempo plus rapide du house. À cet égard, notre son était vraiment un mélange des genres. »

L’année 1996 pourrait être considérée comme l’apogée de la production house française, avec la sortie de l’album Sacrebleu de Dimitri From Paris, des premiers

singles de Thomas Bangalter sur l’étiquette Roulé, du mythique Pansoul de Motorbass et de Super Discount, une fausse compilatio­n: les trois quarts des compositio­ns sont de de Crécy (qui emprunte différents pseudonyme­s), avec quelques autres titres des collègues Alex Gopher, AIR et M. Learn. Arrivant l’année suivante avec

Homework, le duo Daft Punk a consacré mondiale ment cette nouvelle génération de créateurs français. Dès lors, « la France a pu être considérée[ internatio­nale ment] comme un endroit où on faisait de la bonne musique alors qu’avant, c’était impossible : un artiste français était tout de suite un peu ridicule — pour le reste du monde, j’entends. »

De Crécy n’a jamais cessé de se produire, en live et en DJ : deux autres volumes de Super Discount sont parus (le plus récent en 2015) ; depuis un an, il s’est consacré à une série de microalbum­s nommés After, qui, comme le titre le suggère, proposent un son plus électro et charnel, parfait pour les longues soirées en boîte de nuit. « J’oscille toujours entre les musiques qu’on peut écouter chez soi et les musiques de club. Ces temps-ci, c’est aux gens qui restent debout jusqu’à 5 h du matin que j’ai envie de parler » avec un son deep house/house progressif mélodieux, qu’il proposera au festival MEG.

Étienne de Crécy, à la SAT le 1er septembre, avec Fonkyson et Heidy P. Le festival MEG Montréal se déroule du 30 août au 2 septembre.

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 ?? MARIE DE CRÉCY ?? Enfant du disco des années 70, gavé de punk et de new wave dans les années 80, puis tombé dans la bouillonna­nte scène rap du début des années 90, Étienne de Crécy a découvert la scène parisienne naissante vers 1992 avec son complice Philippe Zdar.
MARIE DE CRÉCY Enfant du disco des années 70, gavé de punk et de new wave dans les années 80, puis tombé dans la bouillonna­nte scène rap du début des années 90, Étienne de Crécy a découvert la scène parisienne naissante vers 1992 avec son complice Philippe Zdar.

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