Le Devoir

John McCain, héros de guerre et figure non conformist­e

- IVAN COURONNE

Les Américains rendaient hommage dimanche au sénateur républicai­n John McCain, décédé la veille, qui incarnait aux yeux de beaucoup une politique moins brutale qu’à l’ère de Donald Trump.

Le sénateur, pilote torturé pendant la guerre du Vietnam, candidat à la Maison-Blanche et figure non conformist­e de la politique américaine, McCain est mort samedi à l’âge de 81 ans, des suites d’un cancer du cerveau, entouré de son épouse, Cindy, et de sa famille, après avoir « servi fidèlement les États-Unis d’Amérique pendant soixante ans ».

« Ç’a été une sacrée aventure », écrivait-il dans des mémoires publiés en mai 2018, The Restless Wave.

« J’ai connu des grandes passions, vu des choses merveilleu­ses, me suis battu dans une guerre et ai aidé à apporter la paix. Je me suis fait une petite place dans l’histoire de l’Amérique et l’histoire de mon temps. »

John McCain était soigné depuis juillet 2017 pour un glioblasto­me, une forme de cancer très agressive avec un très faible taux de survie. Sa famille avait annoncé vendredi qu’il avait décidé de cesser tout traitement, face à l’avancée inexorable de la maladie. À Washington, les drapeaux flottant sur la Maison-Blanche et le Capitole

ont été mis en berne.

Les réactions ont afflué pour saluer la mémoire de ce monument républicai­n, qui s’est fâché avec beaucoup de monde y compris au sein de sa famille politique, mais dont le dévouement patriotiqu­e était reconnu par tous.

« John et moi venions de génération­s différente­s, avions des origines complèteme­nt différente­s, et nous nous sommes affrontés au plus haut niveau de la politique », a déclaré l’ancien président démocrate Barack Obama, qui avait battu McCain à l’élection présidenti­elle de 2008.

« Mais nous partagions, malgré nos différence­s, une fidélité à quelque chose de plus élevé, les idéaux pour lesquels des génération­s entières d’Américains et d’immigrés se sont battus et se sont sacrifiés. »

Quant au président Donald Trump, qui était en conflit larvé avec le sénateur républicai­n, il a tweeté un court message de condoléanc­es, sans un mot sur la carrière et la vie de l’homme.

« Mes condoléanc­es et mon respect le plus sincère pour la famille du sénateur John McCain. Nos coeurs et nos prières sont avec vous ! » a écrit M. Trump.

Conscients que la fin était proche, les amis de John McCain défilaient, chez lui en Arizona, depuis des mois pour faire leurs adieux.

Critique de Trump

Malgré son traitement puis son absence de Washington depuis décembre dernier, John McCain était resté relativeme­nt actif politiquem­ent. À l’été 2017, il avait défié le président Donald Trump, envers les manières et les idées duquel il n’a jamais caché son mépris, en votant contre sa réforme du système de santé.

Il le critiquait ouvertemen­t, le qualifiant de « mal informé » et d’« impulsif », et avait affirmé qu’il ne voulait pas de lui à ses funéraille­s.

Dans ses mémoires, il dénonçait une nouvelle fois la sympathie apparente du président américain pour Vladimir Poutine, le président russe qu’a pourfendu John McCain depuis le Sénat.

Lui-même a d’ailleurs été sanctionné par la Russie en représaill­es à des sanctions de Washington, un motif de fierté pour le vieux sénateur, qui plaisantai­t souvent sur ce sujet.

John McCain, fils et petit-fils d’amiraux, a d’abord été pilote de chasse, engagé dans la guerre du Vietnam où il fut blessé et emprisonné pendant plus de cinq ans.

Torturé par ses geôliers, il deviendra au cours de sa carrière politique un farouche opposant à la torture, dénonçant la CIA pour ses pratiques d’interrogat­oires «musclés» sous la présidence de George W. Bush.

Après son retour aux États-Unis à la fin de la guerre du Vietnam, il se fait élire à la Chambre des représenta­nts, puis est élu sénateur en 1986, un siège qu’il avait conservé depuis. Sa dernière réélection, en novembre 2016, avait été la plus difficile, une partie de l’électorat conservate­ur ne lui ayant pas pardonné d’avoir critiqué Donald Trump.

Indépendan­t au franc-parler

Ayant longtemps cultivé l’image d’un républicai­n indépendan­t au franc-parler, il échoue aux primaires républicai­nes en 2000 face à George W. Bush. En 2008, il emporte cette fois l’investitur­e de son parti, mais perd face à Barack Obama.

Il restera ensuite au Sénat, sa deuxième maison depuis plus de trente ans.

Considéré comme un interventi­onniste en politique étrangère, persuadé que l’Amérique devait défendre ses valeurs dans le monde entier, il avait été un des partisans les plus farouches de la guerre d’Irak, et continuait à promouvoir un rôle militaire américain fort à l’étranger, se marginalis­ant au fil Les funéraille­s nationales auront lieu samedi à la grande cathédrale de la capitale américaine, en présence de nombreux élus et dignitaire­s américains et étrangers des années dans un parti républicai­n désireux de se recentrer sur les priorités nationales.

Dans les années 2010, il a assisté avec consternat­ion à l’ascension de la mouvance du Tea Party au sein de son parti, qu’il n’a pu contenir. Il défendait inlassable­ment une hausse du budget militaire, et dirigea jusqu’à sa mort la commission des Forces armées du Sénat.

D’autres causes ont animé sa carrière, notamment la réforme du système d’immigratio­n, ou encore celle du financemen­t électoral.

Funéraille­s nationales

Le programme des cérémonies en sa mémoire a été annoncé dimanche, et inclut plusieurs jours d’hommages, d’abord dans l’Arizona, puis dans la capitale américaine. Son cercueil sera d’abord présenté mercredi au capitole de l’Arizona, État qu’il a représenté plus de 35 ans au Congrès. Les habitants pourront s’y recueillir pendant plusieurs heures. Un premier office aura lieu jeudi dans une église baptiste locale. Puis il sera transporté à Washington, où le cercueil sera présenté vendredi au public dans la rotonde du Capitole, un honneur réservé aux grands personnage­s de l’histoire des ÉtatsUnis, comme John F. Kennedy, Ronald Reagan, Rosa Parks et quelques illustres sénateurs.

Les funéraille­s nationales auront lieu samedi à la grande cathédrale de la capitale américaine, en présence de nombreux élus et dignitaire­s américains et étrangers. Les anciens présidents Barack Obama et George W. Bush, un démocrate et un républicai­n, devraient prononcer des éloges funèbres, à sa demande, selon le New York Times. Plusieurs médias avaient rapporté il y a plusieurs mois que le sénateur avait expresséme­nt demandé à ce que Donald Trump ne participe pas.

L’enterremen­t, dans l’intimité familiale, aura lieu dimanche au cimetière de l’Académie navale d’Annapolis, à une heure à l’est de Washington. C’est là qu’il suivit sa formation de pilote de la marine, et qu’il rencontra l’ami à côté duquel il sera enterré, l’ancien amiral Chuck Larson.

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ROBYN BECK AGENCE FRANCE-PRESSE Malgré son traitement puis son absence de Washington depuis décembre dernier, John McCain était resté relativeme­nt actif politiquem­ent.

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