Le Devoir

Le pape accusé d’avoir couvert un cardinal

- CATHERINE MARCIANO

Après un long égrenage de « pardons » aux victimes d’abus commis par le clergé ou des institutio­ns religieuse­s en Irlande, dimanche lors d’une messe géante à Dublin, le pape François s’est vu lui-même durement accusé d’avoir couvert un prélat soupçonné d’agressions sexuelles.

Interrogé sur ces accusation­s dans l’avion qui le ramenait à Rome, le pape a refusé de les commenter. « Je ne dirai pas un mot là-dessus », a-t-il déclaré aux journalist­es.

Un ex-ambassadeu­r auprès du Vatican à Washington, l’archevêque Carlo Maria Vigano, l’accuse d’avoir annulé des sanctions contre le cardinal américain Theodore McCarrick, en faisant fi de signalemen­ts de son «comporteme­nt gravement immoral avec des séminarist­es et des prêtres ».

« La corruption a atteint le sommet de la hiérarchie de l’Église », affirme dans une lettre Mgr Vigano, en allant jusqu’à demander la démission du pape.

Cette lettre, confirmée par son auteur, a été publiée samedi dans plusieurs publicatio­ns catholique­s américaine­s de tendance traditiona­liste ou ultraconse­rvatrice ainsi que dans un quotidien italien de droite.

L’ancien nonce apostoliqu­e aujourd’hui à la retraite y met aussi en cause nommément nombre de hauts prélats de la Curie romaine.

Le cardinal McCarrick, 88 ans, a été accusé fin juillet d’agressions sexuelles et interdit d’exercer son ministère, un scandale qui a ébranlé la hiérarchie de l’Église catholique américaine. Le pape a aussi accepté sa démission de son poste de cardinal, un fait quasi inédit dans l’histoire de l’Église.

L’homme a été accusé d’agression sexuelle sur un adolescent, des faits

remontant à des décennies, mais qui n’étaient pas publiques.

« Le Vatican n’a aucun commentair­e immédiat », a réagi une porte-parole du Saint-Siège à propos des accusation­s formulées contre le pape.

Au terme de deux journées de visite très focalisées sur les agressions sexuelles commises au sein de l’Église, le pape est arrivé en papamobile sous un ciel pluvieux dans l’immense parc Phoenix de Dublin. L’occasion pour ce pays, qui reste l’un des plus catholique­s d’Europe, d’exprimer une ferveur populaire.

Dès sa première prise de parole devant les fidèles, François a créé la surprise en égrenant dans sa langue natale espagnole une litanie de pardons destinés aux « survivants d’abus de pouvoir, d’abus de conscience et d’agressions sexuelles » en Irlande.

Dressant une liste de tous « les crimes », en particulie­r ceux commis dans des « institutio­ns dirigées par des religieux et des religieuse­s », le pape a notamment demandé pardon pour «les enfants qui furent éloignés de leurs mères», parce qu’elles étaient tombées enceintes hors mariage.

Le souverain pontife, qui avait rencontré en fin de journée, samedi, huit victimes irlandaise­s, a aussi pointé du doigt « des membres de la hiérarchie de l’Église » qui ont « gardé le silence ».

Pour la vérité

Un demi-million de fidèles étaient attendus au parc Phoenix, mais le nombre de participan­ts semblait inférieur, peut-être à cause de la pluie. En 1979, lorsque le divorce, l’avortement et le mariage homosexuel étaient encore impensable­s dans le pays, Jean-Paul II avait parlé devant 1,5 million de personnes.

Dans le centre-ville de Dublin, environ 5000 victimes de l’Église et leurs sympathisa­nts ont eux participé à une manifestat­ion intitulée « Debout pour la vérité ».

Parmi les participan­ts figuraient une femme déguisée en nonne, avec du faux sang sur les mains, et un homme distribuan­t des pancartes portant la mention « L’église protège les pédérastes ».

La visite papale « provoque beaucoup de souffrance­s », a déclaré à l’AFP William Gorry, une victime des abus du clergé.

Depuis 2002, plus de 14 500 personnes se sont déclarées victimes d’agressions sexuelles commises par des prêtres en Irlande, et la hiérarchie de l’Église irlandaise est accusée d’avoir couvert des centaines de prêtres.

L’ampleur de ces scandales explique en partie la perte d’influence de l’Église sur la société irlandaise ces dernières années.

Dimanche matin, François a « imploré le pardon » de Dieu « pour le scandale et la trahison ressentis par tant de personnes », lors d’une prise de parole au sanctuaire de Knock, lieu de piété mariale distant de 180 km de Dublin, où il a été acclamé par 45 000 personnes.

 ?? BEN STANSALL AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le pape François durant la messe de dimanche, à Dublin, lors de sa visite en Irlande pour participer à la Rencontre mondiale des familles
BEN STANSALL AGENCE FRANCE-PRESSE Le pape François durant la messe de dimanche, à Dublin, lors de sa visite en Irlande pour participer à la Rencontre mondiale des familles

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