Chrystia Freeland et son équipe débarquent d’urgence à Washington pour reprendre les négociations sur l’ALENA
Ottawa n’est pas le seul à dire qu’un nouvel accord se fera à trois pays ou ne se fera pas
Le Canada a dépêché de toute urgence ses représentants à Washington, mardi, afin de reprendre leur place autour d’une table de négociation sur l’ALENA où leurs vis-à-vis américains et mexicains laissent entendre qu’ils seraient prêts, s’il le faut, à se contenter du nouvel accord bilatéral qu’ils ont dorénavant entre eux.
Rappelée en catastrophe d’Europe, où elle devait être en mission diplomatique pour la semaine, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, s’est mise au travail aussitôt arrivée dans la capitale américaine en aprèsmidi. Épaulée notamment par le secrétaire principal du premier ministre Trudeau, Gerald Butts, et le négociateur en chef du Canada, Steve Verheul, elle avait été précédée de quelques heures par des hauts fonctionnaires qui s’étaient immédiatement plongés dans la lecture des documents de l’entente de principe sur un accord commercial bilatéral annoncé lundi par les États-Unis et le Mexique et conclu dans le cadre de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en cours depuis un an.
Le climat d’urgence vient du souhait des deux partenaires du Canada au sein de l’ALENA de présenter au Congrès américain leur accord dès vendredi afin de respecter un délai d’examen de 90 jours et de permettre au président mexicain, Enrique Peña Nieto, de la signer officiellement avant de devoir laisser la place à son successeur et adversaire politique, Andrés Manuel López Obrador, le 1er décembre. Il est renforcé par l’idée, évoquée lundi par le président américain sans que les représentants mexicains le contredisent, et renforcée mardi par d’autres voix à la Maison-Blanche, qu’en cas d’impasse dans les discussions avec le Canada, on irait quand même de l’avant avec le nouvel «accord commercial États-Unis–Mexique » tout en déclarant l’ALENA caduc et en frappant l’industrie canadienne de l’automobile d’éventuels tarifs commerciaux.
La place du Canada
Prudent mais ferme, Ottawa a pris le parti lundi de se réjouir des progrès accomplis par les États-Unis et le Mexique dans leurs discussions bilatérales des dernières semaines, d’affirmer que l’accord du Canada était obligatoire et que cet accord ne viendra que si l’entente proposée le satisfait.
Des critiques ont été entendues aux États-Unis, mardi, notamment de la part d’élus républicains et du monde des affaires qui ont fait valoir que le mandat donné à la Maison-Blanche visait explicitement le renouvellement d’un accord à trois pays et que le Canada était un partenaire commercial trop important pour être laissé de côté. Des élus ont aussi dit craindre que les concessions obtenues des Mexicains finissent par nuire aux entreprises et aux consommateurs américains.
Débordant amplement les seules ques- tions litigieuses entre les États-Unis et le Mexique, leur accord prévoit notamment une augmentation du contenu nord-américain dans la fabrication de véhicules et l’imposition d’un minimum de contenu fabriqué par des travailleurs gagnant au moins 16 $US l’heure. Il affaiblit aussi le mécanisme de règlement des différends de l’ALENA et s’éteindrait automatiquement après seize ans à moins que ses signataires conviennent de le reconduire.
Pendant ce temps, il y en a qui ne dorment pas tranquilles au Québec. Souvent pris pour cible lors des négociations commerciales, les secteurs agricoles canadiens sous gestion de l’offre dans le lait, la volaille et les oeufs continuent de croire à la promesse des gouvernements de les défendre contre Donald Trump. « Ses attaques ne passent pas l’épreuve des faits », a déclaré mardi au Devoir un porte-parole, François Dumontier.
Le Conseil québécois du commerce de détail n’est pas rassuré non plus de voir que le Mexique a plié devant les Américains et accepté d’augmenter à 100 $US le seuil sous lequel les biens achetés par Internet aux États-Unis sont exemptés de taxe. Un tel changement infligerait « un dur choc » aux commerçants québécois déjà malmenés par la concurrence étrangère amenée par le commerce électronique alors que ce seuil n’est actuellement que de 20 $CAN, a dit au Devoir son p.-d.g., Léopold Turgeon.
Des critiques ont été entendues aux ÉtatsUnis, mardi, notamment de la part d’élus républicains et du monde des affaires