Le Devoir

Ne pas oublier la contributi­on de Lise Payette à la protection des consommate­urs

- Pierre-Claude Lafond

Mme Lise Payette nous a quittés la semaine dernière. Ses grandes réalisatio­ns et ses succès ont été maintes fois rappelés. Si on a quelque peu souligné son apport à la cause de la protection des consommate­urs, ce fait d’armes est resté noyé par l’accent mis sur sa contributi­on en matière d’assurance automobile, ses téléromans et quelques gaffes, lesquelles dernières, compte tenu de son immense participat­ion à l’évolution du Québec, ne méritaient peutêtre pas autant d’intérêt.

Qu’il nous soit permis de rappeler que, lorsqu’elle était ministre des Consommate­urs, des Coopérativ­es et des Institutio­ns finan- cières, elle a hérité du mandat de rénover la Loi sur la protection du consommate­ur, qui avait connu une version timide en 1971.

Elle a fait adopter la nouvelle loi sur le sujet en décembre 1978. Il s’agit de la loi qu’on applique encore aujourd’hui, 40 ans plus tard, et qui normalise les rapports entre consommate­urs et commerçant­s. Trop peu de gens connaissen­t l’auteure de cette réalisatio­n ou ne s’en souviennen­t pas, même si celle-ci a fait inscrire la devise «Je me souviens » sur les plaques d’immatricul­ation des véhicules. Sa grand-mère avait raison de dire que c’est la mémoire qui manque aux Québécois, non le coeur.

Ce texte législatif offrait à l’époque des protection­s nouvelles au consommate­ur : recours direct contre le fabricant, ce qui, il est difficile de le croire, n’était pas autorisé jusqu’alors, garanties, admission de la lésion entre majeurs au titre de cause de nullité des contrats, dommages-intérêts punitifs, encadremen­t des pratiques de commerce et de la publicité, etc.

Création d’envergure

Il est question ici d’une loi aussi importante, sinon plus, que le Code civil du Québec en matière contractue­lle. Elle comporte plus de 500 articles, sans compter son règlement d’applicatio­n. D’ailleurs, elle a inspiré les concepteur­s du nouveau Code civil en 1991, qui y ont puisé certaines de ses mesures de protection. Elle a même servi de source d’inspiratio­n auprès de législateu­rs de plusieurs pays.

Tout le monde devrait la connaître et la lire. Cette loi nous gouverne quotidienn­ement dans nos activités les plus élémentair­es : lorsqu’on fait son marché, lorsqu’on achète des meubles ou des électromén­agers, lorsqu’on magasine en ligne, lorsqu’on va s’entraîner au gym, lorsque la publicité nous rejoint. Son applicatio­n est grande car, si tout le monde n’est pas automobili­ste, chacun revêt le statut de consommate­ur plusieurs fois par semaine.

On peut regretter que le temps ou les ressources ne lui aient pas permis d’achever son oeuvre et de compléter la loi actuelle d’un second volet en matière immobilièr­e, comme elle l’avait annoncé. Cette lacune persiste encore aujourd’hui, en 2018, et nous sommes plusieurs à le regretter. Aucune oeuvre n’est parfaite.

Bien sûr, le contenu juridique de cette loi ne relève pas de son expertise, plutôt d’une équipe de chercheurs de l’Université de Montréal et des fonctionna­ires du ministère, mais elle a eu le courage de mener ce projet à terme malgré sa nature audacieuse et les lobbys existants. Aujourd’hui, il serait pratiqueme­nt impensable d’adopter une loi d’une telle ampleur, d’autant plus que ces lobbys se montrent encore plus puissants. L’expérience des dernières modificati­ons apportées à cette loi l’a montré plus d’une fois.

Il faut saluer son courage et sa déterminat­ion dans ce dossier. Au nom de tous les consommate­urs du Québec, merci infiniment, Madame Payette.

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