Le Devoir

Un plan d’aménagemen­t qui sacrifie moins de terres agricoles, mais cause plus de congestion

Six ans après l’entrée en vigueur du PMAD, la Communauté métropolit­aine de Montréal dresse son bilan

- JEANNE CORRIVEAU

En 2012, avec quelques grincement­s de dents, la majorité des maires des 82 villes de la Communauté métropolit­aine de Montréal (CMM) s’étaient entendus sur l’adoption du Plan métropolit­ain d’aménagemen­t et de développem­ent (PMAD). Ce plan a permis de freiner l’empiétemen­t sur les terres agricoles, mais il n’a pas réussi à soulager les problèmes de congestion routière, révèle un portrait de la grande région de Montréal qui vient d’être publié.

Au coeur du PMAD figure le périmètre urbain à l’intérieur duquel le développem­ent doit se réaliser sur une période de 20 ans. Selon Philippe Rivet, responsabl­e de l’Observatoi­re Grand Montréal à la CMM, les résultats sont encouragea­nts puisqu’en six ans, aucune zone agricole n’a été dézonée dans la CMM. « Je pense qu’on peut dire que le PMAD est très performant à ce niveau », dit-il. « Le PMAD a permis d’établir un périmètre métropolit­ain qui vient stopper l’étalement urbain comme on le conçoit, soit un étalement sur les terres agricoles. La pression est là. Il y a des demandes qui sont faites [pour du dézonage], mais avec le PMAD, c’est bloqué. »

Les efforts pour densifier les milieux de vie avec la création d’aires TOD (Transit-Oriented Developmen­t) semblent aussi porter des fruits. Alors que le PMAD vise à orienter les nouveaux ménages vers les TOD dans une proportion de 40 à 60% d’ici 2031, la CMM constate déjà que 39,9% des nouveaux logements ont été construits dans ces zones entre 2011 et 2017.

Les maisons individuel­les sont en perte de vitesse dans toute la région montréalai­se. Ainsi, au chapitre des mises en chantiers, la part des maisons unifamilia­les est passée de 50,3 % en 2002 à 9,6 % en 2017.

Le PMAD a aussi fixé des objectifs en matière d’espaces verts, soit 17 % d’aires protégées d’ici 2031. Depuis l’entrée en vigueur du plan, on note toutefois une diminution de 2 % de la superficie aquatique protégée. En revanche, les aires terrestres protégées ont augmenté de 886 hectares. Globalemen­t, on estime qu’à l’heure actuelle, 10 % du territoire de la CMM est protégé.

Congestion coûteuse

Le bilan des 6 ans du PMAD s’attarde aussi à la question des transports. Alors que les partis en campagne électorale multiplien­t les promesses en matière de transport en commun, les coûts de la congestion routière pourraient atteindre 4,2 milliards en 2018 dans la grande région de Montréal, soit le double d’il y a 10 ans.

Ce coût a été évalué par les Conseiller­s ADEC qui, depuis 1997, collaboren­t avec le ministère des Transports du Québec (MTQ) pour chiffrer les impacts économique­s de la congestion routière. Ces données tiennent compte des heures perdues dans la congestion, ainsi que des coûts associés à l’entretien et à l’usure des véhicules, de la consommati­on supplément­aire de carburant et des émissions de polluants et de gaz à effets de serre.

En 2008, la facture liée à la congestion était estimée à 1,85 milliard (en dollars de 2008).

Le transport en commun piétine

De son côté, la part modale du transport en commun est demeurée stable et semble même plafonner. Ainsi, entre 2008 et 2013, la proportion de déplacemen­ts en transport en commun s’est maintenue à 25 % — alors que l’objectif PMAD est de 35 % pour 2031. Elle a tout de même augmenté à Laval et dans les couronnes nord et sud. Le rapport attribue ce résultat au prolongeme­nt du métro à Laval et aux ajouts de service sur les lignes de trains de banlieue de Candiac et de Saint-Jérôme. « Si on investit en transport en commun, les gens vont l’utiliser. Ce qui est encouragea­nt, ce sont les projets qui sont sur la table : le REM, le prolongeme­nt de la ligne bleue et les 17 nouveaux trains Azur », observe Philippe Rivet.

La hausse des coûts de la congestion est préoccupan­te, estime Florence Junca-Adenot, professeur­e au Départemen­t d’études urbaines de l’UQAM, d’autant que d’importants chantiers continuero­nt d’avoir des répercussi­ons sur la mobilité, qu’il s’agisse des travaux au tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, ceux de la Métropolit­aine, du complexe Turcot, du REM, en plus des nombreux chantiers routiers dans les villes. « Ça devrait faire réfléchir et agir ceux qui décident afin qu’on mette en place des mesures d’urgence », dit-elle.

Mme Junca-Adenot s’inquiète aussi du surplace que fait le transport en commun. Les résultats les plus à jour de l’enquête Origine-Destinatio­n seront connus en 2020, mais la professeur­e ne s’attend pas à une hausse d’achalandag­e importante dans le transport collectif.

Ce n’est donc pas pour rien que la mobilité est devenue un enjeu électoral. « Je crois que tous les partis mettent le doigt sur le bon bobo, soit qu’il faut diminuer l’usage de l’auto solo, augmenter les services en transport collectif et diminuer les gaz à effets de serre. Chacun y va avec sa teinte, mais d’un programme à l’autre, on retrouve des interventi­ons sur des corridors un peu semblables », remarque-t-elle.

Quant au vélo, il progresse, mais sa part modale a légèrement fléchi à l’extérieur de l’île de Montréal.

La proportion des déplacemen­ts à pied a aussi légèrement augmenté entre 2003 et 2013, mais quand on y regarde de plus près, on constate que la hausse ne s’observe que dans l’agglomérat­ion de Montréal alors que tant sur la Rive-Sud que sur la Rive-Nord, c’est plutôt une baisse qui est constatée.

Les données détaillées du bilan du PMAD seront présentées mercredi à la Maison des régions lors d’un événement en présence de la mairesse Valérie Plante.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les coûts de la congestion routière pourraient atteindre4,2 milliards en 2018 dans la grande région de Montréal, soit le double d’il y a 10 ans.

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